"Vous êtes convoqué à la brigade des mineurs": la nouvelle arnaque qui inonde les boîtes mails

Un officier de police judiciaire devant la plateforme de signalement des comportements et contenus en ligne illicites, Pharos - Philippe Huguen
Un officier de police judiciaire devant la plateforme de signalement des comportements et contenus en ligne illicites, Pharos - Philippe Huguen

Jouer sur les craintes et les tabous. C'est le nouveau filon utilisé par les escrocs en ligne. Après le faux mail pour réclamer de l'argent pour une amie malade, pour un étudiant bloqué à l'étranger ou encore une victoire à la loterie, la fausse convocation à la brigade de protection des mineurs pour avoir consulté des sites pédopornographiques inonde les boites mails des particuliers en France depuis quelques mois.

Le mail a tout d'un vrai. Il porte un logo de la police judiciaire et du ministère de l'Intérieur, il évoque "Mme Yvette Bertrand, commissaire-divisionnaire, chef de la brigade de protection des mineurs" ou "Mme Catherine De Bolle, commissaire générale de la police fédérale, élue au poste de directrice d'Europol", il peut être signé de "Mr Christian Rodriguez, le directeur général de la gendarmerie nationale" quand il est censé émaner de la gendarmerie. Il cite aussi deux articles du code pénal.

Ce mail avertit son destinataire qu'il fait l'objet de "poursuites judiciaires peu après une saisie informatique de la Cyber-infiltration pour pédopornographie, pédophilie, exhibitionnisme, cyber pornographie, trafic sexuel". Il précise aussi que "la loi de mars 2007 aggrave les peines lorsque les propositions, les agressions sexuelles ou les viols ont pu être commis en recourant à internet (...)". Il est précisé que cette convocation est "obligatoire", citant "l'article 78 du code pénal" qui précise que les officiers de police peuvent recourir à la force pour contraindre une personne à comparaître. Un argumentaire dont la naïveté fait sourire les enquêteurs.

"Si vous avez commis une infraction, d'autant plus celles citées par ce faux mail, la police ne vous envoie pas une convocation, elle vient vous cueillir à votre domicile à 6 heures du matin", ironise l'un d'entre eux.

"Prié de se faire entendre"

Mais jusque-là, à quelques imprécisions près, le lecteur peut croire à une véritable convocation. C'est là que l'arnaque se met en place. Le destinataire du mail est "prié de se [vous] faire entendre par mail en nous écrivant ses [vos] pour qu'elles soient mises en examen et vérifiées afin d'évaluer les sanctions". Sinon, le dossier sera transmis à "la procureur adjoint au tribunal de grande instance de Créteil et spécialiste de cybercriminalité". Un procédé jamais utilisé par les services de police ou de gendarmerie.

"A partir du moment où le particulier répond à ce mail, le contact est créé", rappelle le major Bernard Couquet, enquêteur en cybercriminalité à la police judiciaire de Limoges.

Les escrocs peuvent par la suite réclamer de l'argent, "des petites sommes car ils savent qu'ils s'adressent à des particuliers", fait valoir le policier, il est également possible qu'ils envoient un virus dans l'ordinateur de la personne ciblée pour ensuite réclamer une rançon afin de récupérer ses données. Dans de nombreux cas, les victimes ont répondu juste pour dire qu'elles sont innocentes.

"Jouer sur la peur"

Ce type d'arnaque n'a rien de nouveau mais il a évolué en évoquant désormais des soupçons de pédopornographie ou de pédophilie pour faire peur. "C'est choquant pour les gens qui reçoivent ce mail, estime le major Couquet. Souvent les destinataires de ces mails ne veulent pas aller porter plainte même si rien n'est vrai dans ce mail. Il y a la peur du regard du policier si l'on va au commissariat, il y a aussi la peur de sa famille si l'on en parle. Certains se disent qu'ils ont peut-être été sur un site un peu bizarre."

"Ils jouent sur la peur et les tabous", poursuit le policier.

Ce type de piège est très lucratif pour ces escrocs. On évoque une arnaque mondiale qui rapporte quasi autant que le trafic de drogue. Les groupes criminels à la tête de ces escroqueries ont d'ailleurs appris de leurs erreurs et réalisent désormais des mails quasiment sans aucune faute, avec une mise en page de mieux en mieux réalisée. Les enquêteurs, eux, parviennent difficilement à remonter jusqu'aux auteurs, principalement basés dans des pays en Afrique avec lesquels il y a peu ou pas de coopération.

La police mise sur la prévention avec plusieurs conseils. Vérifier les fautes d'orthographe, chercher les noms cités ou les fonctions de ces personnes qui ont parfois changé d'affectation, ou encore l'adresse mail.

"La police et la gendarmerie n'ont pas de boites mails Gmail ou Laposte", rappelle l'expert en cybercriminalité.

Il conseille aux destinataires de ces mails frauduleux de le signaler sur la plateforme Pharos qui recense les comportements et contenus en ligne illicites. Et si toutefois, une personne a répondu à cette arnaque ou a payé une somme d'argent aux escrocs, elle doit aller porter plainte.

Article original publié sur BFMTV.com