Macron choisit de recourir au 49-3 pour la réforme des retraites

Emmanuel Macron photographié en marge du sommet européen à Bruxelles le 10 février
Emmanuel Macron photographié en marge du sommet européen à Bruxelles le 10 février

POLITIQUE - Le 49.3 a donc été dégainé. Ce jeudi 16 mars, Emmanuel Macron a réuni à trois reprises Élisabeth Borne et ses ministres, à quelques heures d’un vote extrêmement incertain à l’Assemblée nationale sur la réforme des retraites. Et un peu avant 15 heures, une source proche de l’exécutif a finalement indiqué qu’un Conseil des ministres « immédiat » préalable au 49.3 avait eu lieu. De sources multiples, le chef de l’État a autorisé la Première ministre à engager la responsabilité du gouvernement.

En choisissant cette option, l’exécutif pense écarter tout risque de rejet d’un texte qu’Emmanuel Macron présente comme l’un des plus importants de son second quinquennat. Quitte à risquer mettre en jeu pour cela la survie du gouvernement.

Des risques « financiers, économiques trop grands »

Un choix que le chef de l’État a justifié comme suit, comme l’a rapporté un participant à l’ultime conseil des ministres : « Mon intérêt politique et ma volonté politique étaient d’aller au vote. Parmi vous tous, je ne suis pas celui qui risque sa place ou son siège. Mais je considère qu’en l’état, les risques financiers, économiques sont trop grands. » Et le locataire de l’Élysée d’ajouter : « On ne peut pas jouer avec l’avenir du pays. »

Surtout, répondant à la critique qui ne cesse d’être opposée au 49.3, le chef de l’État a assuré : « Il y aura un vote sur le texte. Il est prévu par nos institutions. C’est la motion de censure. »

Vers 10 h 30 ce jeudi matin, le Sénat avait voté sans surprise le texte de compromis adopté la veille par la commission mixte paritaire. Mais la situation est autrement plus délicate au Palais Bourbon, où, selon Bruno Retailleau « une vingtaine » de députés LR pourrait voter contre et menacer ainsi l’adoption du texte.

L’exécutif a attendu les dernières minutes avant l’ouverture de la séance à l’Assemblée pour faire connaître sa décision, qui va à l’encontre de toutes les déclarations faites par les membres du gouvernement ces derniers jours. Ce 49.3 est le 11e d’Élisabeth Borne, et le 100e engagé sous la Ve République.

Borne cite Rocard

La cheffe du gouvernement a « fait sien » les mots de Michel Rocard, ancien Premier ministre connu pour détenir le record d’utilisation du 49.3 à une époque où celui-ci n’était pas limité, qui se disait confiant sur l’existence d’« une majorité voire d’une large majorité ». « J’ajoute que si chacun votait selon sa conscience et en cohérence avec ses prises de position passées, nous n’en serions pas là », a cinglé la Première ministre dans un tacle éloquent aux élus Les Républicains. Selon elle, « l’incertitude plane à quelques voix près ».

Mais « on ne peut pas prendre le risque de voir le compromis bâti par les deux assemblées écarté. On ne peut pas faire de pari sur l’avenir de nos retraites, et cette réforme est nécessaire », a déclaré la Première ministre à la tribune de l’Assemblée, sous les huées, les appels à la démission et une Marseillaise entonnée par la gauche de l’hémicycle lors d’un début de séance particulièrement houleux.

« Dans la rue, le 49.3, ça n’existe pas »

Immédiatement, les élus de l’opposition ont fustigé le recours à cet outil constitutionnel. « Quand un président n’a pas de majorité dans le pays, pas de majorité à l’Assemblée Nationale, il doit retirer son projet. L’Élysée n’est pas un parc pour abriter les caprices du président », a taclé le patron du PS Olivier Faure. Son homologue écologiste Marine Tondelier a, elle, dénoncé la « brutalité et le mépris » du président de la République. « Mais dans la rue, le 49.3, ça n’existe pas. On ne va pas s’arrêter là », ajoute-t-elle.

Le patron du PCF Fabien Roussel s’en est, lui, remis au référendum d’initiative partagée engagé par les parlementaires de gauche. « Engageons- nous dans une grande bataille populaire avec l’intersyndicale qui a fait preuve d’une grande responsabilité », écrit-il sur Twitter, tandis que l’insoumis Manuel Bompard appelle à « dégager » le gouvernement, via une motion de censure.

Cette motion de censure est en effet l’autre risque qui plane pour l’exécutif, alors que plusieurs élus d’opposition ont confirmé dans la foulée leur intention d’en déposer une. « Le RN votera toutes les motions de censure déposées », a d’ailleurs réagi le président du RN Jordan Bardella, en dénonçant « un braquage démocratique commis par un gouvernement isolé. »

De son côté, le chef de file des députés LR Olivier Marleix a tweeté regretter « que l’Assemblée nationale ne puisse voter une réforme qui concerne tous les Français », et sur laquelle la majorité et la plupart des élus du mouvement de droite s’étaient mis d’accord. « Le sens de responsabilité des Républicains et leur farouche volonté de préserver le pacte social et les retraites ne peut compenser l’absence de dialogue social », ajoute le député d’Eure-et-Loire.

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