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Agnès Pannier-Runacher accusée de conflit d'intérêt

Agnes Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique. (Photo by Emmanuel DUNAND / AFP)
Agnes Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique. (Photo by Emmanuel DUNAND / AFP)

La ministre de la Transition énergétique est pointée du doigt pour avoir caché l'existence d'une entreprise familiale, liée à l'industrie pétrolière et alimentée par des fonds dans des paradis fiscaux.

Agnès Pannier-Runacher rattrapée par le business familial. Le média Disclose révèle les soupçons de conflits d'intérêt qui pèsent sur la ministre de la Transition énergétique. Au coeur de ces soupçons, Arjunem, du nom de l'entreprise crée par son père en 2016 pour les enfants de la ministre, âgés de 13 ans, 10 ans et 5 ans à cette époque.

L'entreprise, qui détient plus de 1 million d’euros dans des paradis fiscaux selon le média, partage également des intérêts financiers avec Perenco, numéro 2 du pétrole en France. De quoi faire tâche pour la ministre de la Transition énergétique, qui répète à l'envi son objectif de sortir la France des énergies fossiles, mais n'a pas fait mention de cet héritage dans ses déclarations à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique.

Pas d'obligation de déclarer cette société

En 2016, Jean-Michel Runacher, père de la ministre et dirigeant historique de Perenco, crée la société Arjunem. Les actionnaires ne sont autres que les enfants de la ministre, alors âgés de 5, 10 et 13 ans, ainsi qu'un de leurs cousins. Chacun débourse 10 euros, Jean-Michel Runacher apporte le reste du capital : 1,2 million d’euros. Objectif de la manoeuvre, poursuit Disclose, faire une donation de plus d’un million d’euros à ses petits-enfants, en évitant qu’ils n’aient à payer des droits de succession à son décès.

La ministre n'avait toutefois pas l'obligation légale de dévoiler l’existence de la société Arjunem puisque la loi sur la transparence de la vie publique, n’oblige qu'à déclarer ses participations directes dans des sociétés, ainsi que celles de son conjoint, les biens des enfants mineurs sont exclus de ces obligations.

Des fonds provenant de paradis fiscaux

1,2 million de capital apportés par Jean-Michel Runacher qui proviendrait selon Discolse fonds spéculatifs dissimulés dans des paradis fiscaux et dans lesquels Perenco détenait ses propres investissements à l’époque. Pêle-mêle, l'île de Guernesey, paradis fiscal qui figurait sur la liste noire de l’Union européenne jusqu’en 2019, l'Irlande, ou encore l’Etat américain du Delaware et sa politique fiscale ultra-avantageuse.

La ministre assure "ne pas avoir connaissance de la politique d'investissement" de ces fonds, gérés "de manière indépendante par des investisseurs professionnels". Elle renvoie vers son père "pour plus de détails", lequel n'a pas donné suite aux questions de Disclose.

Des liens entre le numéro 2 du pétrole en France et la société familiale ?

Autre élément de l'enquête, concernant les liens entre la société Arjunem, et Perenco, numéro 2 du pétrole en France. Le père de la ministre en a été le directeur général, directeur financier et administrateur, et ce jusqu'en 2020. Si la société assure qu'il n'aurait désormais qu'un rôle ponctuel de conseiller, Disclose affirme qu'il est "toujours dirigeant d'au moins deux sociétés financières de la multinationale".

Mais les fonds investis dans la société familiale viennent des mêmes placements que ceux de la compagnie pétrolière où travaillait Jean-Michel Runacher. De quoi interroger sur un possible conflit d'intérêt pour la ministre qui répète son objectif de sortir la France des énergies fossiles.

La justice bientôt saisie ?

"Cela ne fait aucun doute que la ministre est dans une situation de conflit d’intérêts", estime auprès de Disclose Béatrice Guillemont, directrice générale d'Anticor. Même la HATVP confirme que "l’absence d’obligation déclarative ne dispense pas le responsable public de veiller à prévenir et faire cesser les situations de conflits d’intérêts qui naîtraient d’autres intérêts indirects détenus, tels que l’activité des enfants ou d’autres membres de la famille". La Haute autorité n'exclut d'ailleurs pas de saisir la justice sur ce dossier.

Pour la ministre en revanche, aucun conflit d'intérêt dans cette affaire. "Il ne s’agit pas de mon patrimoine, mais de celui de mes enfants qui, eux-mêmes, n’ont aucun pouvoir de gestion de la société à ce jour." Elle ajoute qu'elle n'a ni "vocation, ni par ailleurs d'obligation légale à être associée aux activités professionnelles" de son père, et qu'elle n'a de toute façon jamais eu à traiter "de dossiers en lien avec Perenco", pour l'instant, puisque la société "exerce l'essentiel de ses activités hors de France".

La ministre dénonce des "allégations fausses et calomnieuses"

Des révélations qui se sont sans surprise invité à l'Assemblée nationale lors des questions au gouvernement, plusieurs députés de la Nupes s'interrogeant sur la volonté réelle d'Agnès Pannier-Runacher de sortir des énergies fossiles. "Peut-on croire une ministre qui doit nous sortir des énergies fossiles quand le futur patrimoine de ses enfants en dépend ?", s'est interrogé le député insoumis Aurélien Saintoul.

Interrogée, la ministre a dénoncé des "allégations fausses et calomnieuses", assurant qu'"il n’y a rien de dissimulé, rien de caché", a répondu Agnès Pannier-Runacher, interpellée par le député socialiste Arthur Delaporte.