Anaïs Nighoghossian, ex-anorexique mentale : "Je me suis retrouvée isolée dans une chambre de 8m2, enfermée pendant 4 mois et demi"

Une personne sur quatre est atteinte d’un trouble psychique à un moment de sa vie. Et la pandémie de Covid-19 a encore renforcé ces troubles. Pour briser le tabou, personnalités et anonymes se confient au micro de Yahoo dans "Tourments", le nouveau format de Yahoo.

Victime d’anorexie mentale, Anaïs Nighoghossian a fait de sa quête insatiable de minceur un véritable mode de vie pendant 15 ans. Un trouble du comportement alimentaire qui lui a laissé de nombreuses cicatrices. Pour "Tourments", sur Yahoo, la jeune femme a accepté de revenir sur cette douloureuse période, thème de son premier ouvrage "Dix-sept heures douze, place d’Italie", disponible aux éditions Jets d’encre.

Mincir jusqu’à avoir la peau sur les os. Victime d’anorexie mentale à l’adolescence, Anaïs Nighoghossian a réussi à sortir de cette dangereuse spirale après y être restée enfermée pendant une dizaine d’années. Pour Yahoo, la jeune femme de 34 ans a accepté de partager son chemin de croix, revenant notamment sur les symptômes et les dangers de cette maladie qui touche 1 à 2% des 12-20 ans, soit environ 40 000 jeunes en France (Retrouvez l'intégralité de l'interview en fin d'article).

"Je commence à dégringoler à 14 ans, avec Nicole Richie et le mouvement pro-ana"

Mince comme un fil de fer depuis toujours, Anaïs voit son corps changer à l’adolescence. Un changement qu’elle ne parvient pas à accepter. "Je vois apparaître des courbes, des hanches, une poitrine. Je ne me retrouve pas", confie-t-elle, tout en expliquant accorder, à cette époque-là, énormément d’importance au regard des autres et notamment à celui des garçons. Prisonnière de cette façon de penser, la jeune fille de 14 ans se met donc en tête de faire un régime, le début des problèmes.

Influencée par l’image de certaines célébrités faméliques, à l’instar de Nicole Richie, l’adolescente se renseigne sur le mouvement pro-ana qui exalte la maigreur chez les jeunes. "J'y vois une forme d'éthique, de mode de vie", une "réponse" à sa faible estime d’elle-même. Seulement voilà : son corps se dégrade progressivement. Elle perd beaucoup de poids dans un intervalle de temps très réduit. C’est à ce moment-là qu’elle se fait diagnostiquer anorexique mentale.

Retrouvez l'intégralité de l'interview Tourments d'Anaïs Nighoghossian dans notre podcast :

Pour elle, c’est le début du cauchemar. Son trouble du comportement alimentaire s’aggrave et se poursuit jusqu’à ses 17 ans, âge de sa première hospitalisation dans une clinique privée à Lyon. Là-bas, elle découvre "l’isolement thérapeutique", une pratique psychiatrique qui vise à isoler complètement le patient de son environnement naturel. Elle se retrouve donc enfermée dans une chambre de 8 mètres carrés, insalubre et vétuste, sans affaires personnelles pendant quatre mois et demi. La porte est fermée 24h/24, les fenêtres sont condamnées, les toilettes… inexistantes. La jeune fille ne peut même pas se doucher quotidiennement. "Vous êtes à la merci du personnel soignant pour vider le seau en plastique qui fait office de toilette dans votre chambre", se remémore-t-elle confiant avoir trouvé cette pratique "humiliante" et "dégradante".

Comme elle l’explique, la spécificité de cette hospitalisation résidait sur un "contrat de poids", signé avec l’institution. Concrètement, si elle prenait du poids, elle pouvait sortir de sa chambre au bout de quelques semaines et était même en droit d’envoyer une ou deux lettres par semaine à quelques-uns de ses proches. À contrario, si elle stagnait ou qu’elle perdait du poids, la porte de sa chambre restait fermée et la jeune femme était privée de courrier.

Mais pour la jeune femme, qui avait cessé de s’alimenter, la transition est compliquée à vivre. Elle passe d’une alimentation quasi inexistante à trois plateaux repas par jour sans compter les collations. Et pour être sûre qu’elle termine bien son assiette, une aide-soignante l’assiste généralement pendant toute la durée du repas. "C’est du gavage. La renutrition est à la fois violente, radicale et artificielle", regrette-t-elle, expliquant toutefois avoir réussi à reprendre dix kilos pendant ces quatre mois et demi. En parallèle, alors qu’elle était en aménorrhée depuis plusieurs mois, elle retrouve ses règles, des symptômes cliniques qui confortent le psychiatre à la laisser sortir de l’établissement.

Comme le veut le processus, la jeune femme retrouve sa liberté mais se retrouve livrée à elle-même. "Je n’ai aucun accompagnement, je suis déscolarisée, je n’ai aucun repère alimentaire, alors évidemment, je rechute. Je reperds, en l’espace de quelques mois, tout le poids gagné à la clinique".

"J'avais d'autres comportements addictifs comme la drogue ou les relations toxiques"

Finalement, ses troubles alimentaires durent pendant encore une dizaine d’années. C’est à la veille de ses 30 ans que le déclic se produit. Déterminée à changer et à guérir de cette maladie qui lui prend énormément de son énergie, elle entreprend ses premières démarches auprès de l’hôpital Saint-Anne dont elle garde, encore aujourd’hui, de très bons souvenirs.

"Sainte-Anne a eu une approche extrêmement individualisée et personnalisée du soin. On m'a proposé un programme quasiment sur-mesure qui me permettait de conjuguer à la fois ma vie professionnelle et puis mon soin", explique-t-elle tout en rappelant avoir eu la "chance" de tomber sur une psychiatre qui l'a accompagnée et qui l’a encouragée dès le premier jour. "Elle m’a fait confiance et m'a permis de regagner l'estime de moi que j'avais perdue à Saint-Vincent de Paul, à la clinique où j'avais été hospitalisée à Lyon".

Guérie, elle tient désormais à sensibiliser le plus grand nombre à cette maladie dont les conséquences sont encore trop peu connues. Elle a depuis écrit son premier ouvrage "Dix-sept heures douze, place d’Italie", disponible depuis octobre dernier aux éditions Jets d’encre. Un titre qui renvoie à "un point de bascule" dans son parcours thérapeutique. Il s’agit de l’heure à laquelle elle a réalisé qu’une rémission était possible et que sa vie allait changer. Pour elle, ce livre a été "un moyen d’expulser toute la colère et la souffrance que je portais depuis des années".

Retrouvezl'interview d'Anaïs Nighoghossian en intégralité :