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Coronavirus : le décret sur le Rivotril légaliste-t-il l'euthanasie ?

Soins palliatifs ou euthanasie ? (Getty Images)
Soins palliatifs ou euthanasie ? (Getty Images)

Un décret pris le 28 mars fait beaucoup parler de lui. Il permet aux médecins de prescrire du Rivotril à des patients âgés atteints du Covid-19. Certains crient à la légalisation de l’euthanasie. On fait le point.

Tout commence avec un décret en date du samedi 28 mars. Celui-ci autorise, jusqu'au 15 avril, “la dispensation du Rivotril par les pharmacies d’officine” pour les “patients atteints ou susceptibles d’être atteints par le virus SARS-CoV-2 dont l’état clinique le justifie sur présentation d’une ordonnance médicale portant la mention “Prescription Hors AMM dans le cadre du Covid-19”. Depuis, des voix s’élèvent contre ce qu’ils considèrent comme une forme d’euthanasie. Ainsi Meyer Habib, le député tapageur de la 8ème circonscription des Français établis hors de France. “On donne le permis légal d’euthanasier en France !” écrit-il sur Twitter. “Le Rivotril, passeport pour la mort douce, est en prescription libre pour 15 jours […] C’est moralement insoutenable ! (...) J’écris à Olivier Véran.”

A-t-il raison de s’indigner ? La réalité est plus complexe que cela. À l’heure actuelle, les règles en vigueur sur la fin de vie sont celles de la loi Claeys-Leonetti du 3 février 2016, prévoyant un “droit à la sédation profonde et continue” pour les personnes dont le pronostic vital est engagé à court terme. L’euthanasie, elle, reste interdite. Et ce n’est pas le décret sur le Rivotril, un sédatif utilisé en soins palliatifs, qui change la donne.

Un accès facilité pour répondre à une situation de crise

Olivier Guérin est Professeur de Gériatrie au CHU de Nice et président de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie (SFGG). Dans un communiqué de presse de la SFGG, il a tenu à éclaircir les causes et conséquences du décret du 28 mars : “Il ne s’agit absolument pas d'un cautionnement de l’euthanasie ! L’usage du Rivotril n’est pas facilité, il faut toujours respecter le même protocole pour sa prescription, y compris lorsqu’il est appliqué comme sédatif pour des patients en soin palliatif.” Mais, précise-t-il, “c’est seulement son accès qui est facilité car auparavant il ne pouvait être fourni que par les pharmacies hospitalières. Le décret applique la même chose pour le paracétamol intraveineux.”

En résumé, l’accès au Rivotril est facilité en EHPAD pour faciliter l’accompagnement des personnes âgées touchées par le Covid-19 qui ne pourraient pas être acceptées à l’hôpital. En d’autres termes, explique Jérôme Robillard d’Hospimedia à La Voix du Nord, “il va effectivement y avoir une surmortalité chez les personnes âgées à cause du Covid-19 (elles sont plus fragiles et auront moins accès aux services de réanimation). Mais cette surmortalité sera due à la maladie, pas à une vague d’euthanasie.”

66 millions de scientifiques ?

Reste que le débat autour du Rivotril, qui rejoint largement celui provoqué par l’utilisation de la chloroquine autour de la figure du Professeur Raoult, est une illustration d’un mal tout autre : celui de la défiance autour des autorités, dont chaque décision est accusée d’être prise à l’encontre des citoyens. Dans le cas de choix politiques ou économiques, le débat est ouvert. Mais lorsque des décisions sanitaires sont prises à partir du travail de scientifiques compétents dans leurs domaines, il est toujours curieux de voir apparaître des armées d’experts auto-proclamés qui, la veille, ne connaissaient pas l’existence du sujet de la question.