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Coronavirus : j'ai testé l'application StopCovid (du moins, sa version bêta)

J'ai testé la version bêta de l'application StopCovid.
J'ai testé la version bêta de l'application StopCovid.

L’Assemblée nationale puis le Sénat doivent se prononcer, ce 27 mai, sur l’application StopCovid. Mais avant que sa version définitive soit - peut-être - mise en place, j’ai pu tester cet outil. Non sans une certaine appréhension !

Le devoir d’informer demande parfois quelques sacrifices. Ce 27 mai, j’ai donc décidé de renoncer à une partie de mes données personnelles, accepté de vivre dans l’attente permanente d’une nouvelle qui n’arrivera peut-être jamais, et choisi de laisser mon téléphone s’acoquiner avec tous les appareils qu’il croisera via bluetooth afin de tester l’application StopCovid. Ou, du moins, sa version bêta.

Cet outil, sur lequel le gouvernement veut s’appuyer pour éviter une deuxième vague de Covid-19, est considéré par le Conseil scientifique comme “un élément très utile de la stratégie de contrôle de l’épidémie”. Sa mise en place doit être votée ce mercredi 27 mai au Parlement. La Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés) a déjà donné son aval, ce 26 mai. Si tous les feux sont au vert, son lancement pourrait avoir lieu le 2 juin, jour du lancement de la deuxième phase du déconfinement.

Trois objectifs annoncés

Un peu de lecture m’attends avant de télécharger l’application, développée par l’Inria (Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique). On me rappelle le bien-fondé de l’outil : “Contribuer à casser les chaînes de transmission du virus”. Vaste programme. L’application s’appuie sur le principe du contact tracing, c’est-à-dire qu’elle permet de prévenir les utilisateurs “s’ils ont été à proximité d’un autre utilisateur diagnostiqué positif au Covid-19 au cours des derniers jours”. Ce qui induit déjà une condition, et pas des moindres : il faut que les personnes que je croise aient, elles-aussi l’application - et donc un smartphone dans leur poche.

Autre objectif affiché : “Inviter les utilisateurs” qui auraient reçu une notification les avertissant d’un contact avec un malade “à se rapprocher des acteurs de santé compétents pour bénéficier d’une prise ne charge”. C’est flou, mais j’imagine que j’aurais des précisions le moment venu.

Enfin, l’application a un troisième objectif : “Sensibiliser l’ensemble des utilisateurs sur les symptômes du virus, et les gestes barrières à adopter pour lutter contre sa propagation”. N’ayant pas vécu dans une grotte ces cinq derniers mois, j’ai vaguement entendu parler de tout ça. J’imagine d’ailleurs que si quelqu’un a eu vent de cette application au point de décider de la télécharger, c’est qu’il a sans doute quelques notions sur le nouveau coronavirus.

“Participez à la lutte contre l’épidémie”

Une fois acceptées les conditions du test, je peux télécharger la fameuse application. J’arrive sur une interface colorée, dont le message me donne l’impression que je vais sauver le monde : “Protégeons nos proches, protégeons-nous et protégeons les autres. Avec StopCovid, participez à la lutte contre l’épidémie en limitant les risques de transmission”. Me voilà conquise.

La page suivante me présente les trois étapes de fonctionnement : il faut d’abord activer l’application (logique). On m’explique ensuite que je serai informée si j’ai été en contact avec un “utilisateur testé positif au Covid-19”. Troisième et dernière phase : si je fais moi-même un test et qu’il est positif, je devrais saisir un code fourni par mon médecin ou le laboratoire afin d’avertir “anonymement les utilisateurs” que j’aurais croisés.

L'application se veut très simple d'utilisation. Les descriptions ne sont réduites qu'à quelques lignes.
L'application se veut très simple d'utilisation. Les descriptions ne sont réduites qu'à quelques lignes.

Peu de détails sur les données

C’est là qu’arrivent les choses sérieuses : les détails sur la confidentialité et le traitement de mes données. Même si je n’y connais pas grand chose, un beau panneau d’avertissement rouge vif se met à clignoter dans ma tête : je vais lire cette section avec attention. D’autant que les professionnels du sujet semblent méfiants. Certes, la Cnil (qui est une peu le gendarme d’internet) a donné sa validation, soulignant que “ses principales recommandations ont été prises en compte”. Mais l’association La Quadrature du net voit dans l’application StopCovid “de graves risques pour nos libertés”.

Moi qui croyais avoir de la lecture, je suis déçue. L’interface se veut visiblement simple et n’entre pas dans les détails. J’y apprends que StopCovid n’utilise que la technologie Bluetooth du téléphone et que les données échangées entre deux téléphones le sont via des “pseudo-identifiants éphémères”. Ce mot-valise ne me parle pas vraiment. Mais le communiqué de presse reçu quelques jours plus tôt (la voilà, ma lecture !) dévoile que l’application génère des pseudonymes éphémères qui “ne sont associés à personne” et que seuls ces pseudonymes sont stockés sur les smartphones.

L’application m’apprend aussi que les données stockées sont “indéchiffrables”. Pour moi, pas de doute. Et pour un petit génie de l’informatique ? De ce côté-là, le gouvernement semble prendre ses précautions puisque, ce mercredi 27 mai, un groupe de hackers éthique travaille à détecter les éventuelles failles.

Très facile de faire machine arrière

Si la présentation est succincte, je découvre tout de même trois renseignements supplémentaires : si je suis testée positive au Covid-19, mon consentement est nécessaire pour partager l’information. Les données sont automatiquement effacées après 14 jours. Et, conformément au règlement général sur la protection des données, je peux supprimer à tout moment les données stockées sur mon téléphone et celles présentes sur le serveur. Là, je me dis quand même que ça sent le piège et que ça demande sans doute des manipulations que je n’arriverais pas à faire. Je suis du genre à sacrifier une adresse mail simplement parce que je n’arrive pas à me désabonner des dizaines de newsletters et publicités qu’on m’y envoie.

Mais une bonne surprise m’attends puisque l’application ne dispose que de trois onglets : “protéger”, “me déclarer” et “partager”. Le premier est une page qui m’informe simplement que StopCovid est activé, et où il m’est également proposé de le désactiver. Je peux aussi supprimer toutes les données en un rien de temps. En cliquant sur “gérer mes données”, on me propose d’effacer celles présentes sur mon téléphone et celles du serveur. Les deux autres onglets ne me sont pour l’instant pas d’une grande utilité. “Me déclarer” n’est utile que pour les personnes testées positivement au Covid-19. “Partager” permet, comme son nom l’indique, de partager l’application à ses contacts.

Il est facile de désactiver l'application StopCovid et de supprimer les données enregistrées.
Il est facile de désactiver l'application StopCovid et de supprimer les données enregistrées.

Laisser faire le Bluetooth

Il me reste une dernière étape à franchir : autoriser les contacts Bluetooth. Il fallait s’y attendre, c’est sur cette technologie que s’appuie l’application. Même si on me rappelle une fois encore qu’aucune “donnée de géocalisation n’est échangée ou enregistrée”, j’ai une petite appréhension. Pour mener cette expérience à bien, je me résous tout de même à laisser mon smartphone papillonner à chacune de mes sorties.

La touche finale, j’autorise l’application à m’envoyer des notifications si je me suis trouvée, durant 15 minutes minimum, à moins d’un mètre d’un utilisateur déclaré positif au Covid-19. Il ne me reste donc plus qu’à patienter, fébrile, pour recevoir une alerte qui n’arrivera peut-être jamais. Bienvenue dans la version moderne de “En attendant Godot”.

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