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Covid : pourquoi la réintégration des soignants non-vaccinés divise les médecins

Photo d'illustration / Getty Images
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La Haute Autorité de Santé recommande de "lever l'obligation de vaccination" des soignants, un avis que le ministre de la Santé devrait suivre.

Ils sont près de 4000 professionnels dont 500 infirmiers, selon la Fédération hospitalière de France. Suspendus de leurs fonctions pour avoir refusé la vaccination, obligatoire depuis 2021, contre le Covid-19, ils vont théoriquement pouvoir reprendre leurs fonctions prochainement.

Car la Haute Autorité de santé (HAS) a préconisé, jeudi 30 mars, la fin de l'obligation vaccinale contre le Covid-19 pour les professionnels de santé. Pour justifier leur recommandation, qui sera suivie par le ministre de la Santé François Braun, les experts de la Haute Autorité de Santé estiment que l'épidémie de Covid est à un niveau suffisamment faible aujourd'hui.

Une "mesure de bon sens" pour certains

Ils ont également analysé les taux de vaccination : plus de 86% des personnels soignants ont fait leur première dose de rappel dans les Ehpad et ils sont près de 89% chez les médecins libéraux. Une décision qui divise fortement la communauté médicale.

D'un côté, les médecins qui réclament depuis plusieurs mois la réintégration des professionnels suspendus, médecins, infirmiers, personnels des établissements sanitaires et médico-sociaux, comme le docteur Gérald Kierzek qui défendait une "mesure de bon sens" dans Le Figaro en novembre dernier.

"Exclure les soignants en disant qu'ils font prendre des risques à leurs patients ne tient plus"

"Pour maintenir une mesure d'obligation vaccinale contre le Sars-Cov2, indépendamment des aspects éthiques ou politiques, il faut qu'il y ait une démonstration, une réduction durable de la transmission du virus. Ce n'est plus le cas. (...) Exclure les soignants en disant qu'ils font prendre des risques à leurs patients ne tient plus médicalement. Voilà pourquoi je pense qu'il faut les réintégrer", explique-t-il notamment.

Autre argument mis en avant par le médecin urgentiste, "apaiser la situation", alors que la question de la réintégration des soignants, notamment abordée à l'Assemblée nationale à l'automne dernier, a suscité de nombreuses crispations. "Il ne faut pas assimiler les soignants non-vaccinés à des antivax ; il y en a probablement mais ce n'est pas la majorité. Ils sont d'ailleurs vaccinés contre l'hépatite B et les autres vaccins. Ils ont juste considéré que la balance bénéfices-risques ne leur était pas favorable à titre individuel", ajoute Gérald Kierzek.

"C’est la vaccination dans son ensemble qui est remise en cause"

Mais une autre partie de la sphère médicale s'oppose à la fin de l'obligation vaccinale pour les soignants. Parmi eux, Mathias Wargon chef des urgences à l'hôpital Delafontaine en Seine-Saint-Denis, qui s'inquiète du message envoyé par les autorités de santé."L’important ce n’est pas quelques soignants, l’important c’est le message sur la vaccination", s'inquiète-t-il

"Il sera désormais compliqué de faire des campagnes de vaccination dans un pays déjà gangrené par les antivaccins depuis longtemps et bien avant le Covid. Les campagnes contre la grippe déjà difficiles en milieu hospitalier sont désormais vouées a l’échec. Et les vaccins préventifs d’autres pathologies comme le cancer (et on l’a vu avec le papillomavirus) seront très difficiles a faire admettre. Le Covid n’est pas le centre de la polémique, c’est la vaccination dans son ensemble qui est remise en cause", s'alarme-t-il. Une inquiétude largement partagée par la communauté médicale.

Une autre vaccination obligatoire suspendue

Car au-delà de la fin de vaccination obligatoire contre le Covid pour les professionnels de santé, soutenue par la HAS, l'autorité prône également la fin de la vaccination obligatoire contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP) pour les soignants. Si le vaccin est obligatoire (deux doses puis un rappel) pour toute la population, les rappels ne sont que recommandés à partir de 6 ans pour la population générale, et obligatoires pour les professionnels de santé.

Un sujet brûlant déjà abordé dans la période pré-Covid par le Haut Conseil de la Santé Publique, qui en 2016 proposait la fin de la vaccination obligatoire des soignants contre le DTP. "La poliomyélite a été éliminée des pays industrialisés et les cas de diphtérie sont très rares. De ce fait, le risque d'exposition des soignants est nul pour la polio, très faible pour la diphtérie et le risque de transmission soignant-soigné de ces deux maladies inexistant", expliquait le HCSP, précisant ensuite que "le tétanos est une maladie grave, souvent mortelle. En raison du mode de transmission du bacille tétanique, le risque de transmission soignant-soigné du tétanos est nul".

Le vaccin contre la DTP est obligatoire chez les nourrissons, avec deux injections et un rappel, puis des rappels sont seulement recommandés tout au long de la vie, à partir de l'âge de 6 ans, rappelle le site du ministère de la Santé.

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