Cuba, Corée du Nord, Syrie... Ces pays qui soutiennent encore la Russie de Poutine

Alors que l'invasion de l'Ukraine s'éternise, la Russie de Vladimir Poutine n'a jamais paru si isolée sur la scène mondiale. Pourtant, elle dispose encore d'appuis au sein de la communauté internationale, comme l'a détaillé Sylvie Bermann, consultante diplomatie de BFMTV lors de notre émission spéciale consacrée au conflit mercredi soir.

En déclenchant l'invasion de l'Ukraine par ses troupes, Vladimir Poutine a non seulement engagé son pays dans une spirale infernale ponctuée de défaites, mais il l'a de surcroît sorti du concert international.

Certes, le dossier ukrainien empoisonne depuis longtemps les relations du Kremlin avec ses ex-partenaires. Ainsi, son annexion de la Crimée au tournant des années 2014-2015 avait déjà provoqué l'exclusion de la Russie du G8, reconverti en G7. Mais la guerre en cours l'isole plus profondément encore. Seule contre tous, alors, la Russie de l'autocrate? Pas tout à fait.

Le réseau sud-américain de Poutine

Elle peut en effet encore compter sur quelques soutiens à l'étranger. Mais il s'agit en général de nations elles-mêmes marginalisées. Le calcul est vite fait en ce qui concerne l'Europe: la Biélorussie d'Alexandre Loukachenko se tient aux côtés de la Russie en fidèle vassale, mais c'est tout.

Vladimir Poutine peut en revanche tabler sur davantage de sympathies sur le continent sud-américain. Legs de son long compagnonnage avec l'URSS, et corollaire de son opposition avec les États-Unis, l'allié historique cubain ne lâche pas Moscou. Le Venezuela de Nicolas Maduro adopte une position similaire. Le Nicaragua du dictateur Daniel Ortega est également sur la même ligne.

Le Brésil, lui, se balance d'un pied sur l'autre, entre dénonciation de la guerre et maintien de relations très concrètes avec l'envahisseur. Ainsi, en février dernier, il s'est associé à la condamnation onusienne de l'invasion, pourtant, mi-juillet, son ministre des Affaires étrangères, Carlos Alberto Franco França, a indiqué que son pays achèterait "tout le diesel" qu'il pourrait à la Russie, vantant même un "partenariat stratégique".

Des relais en Orient

Au Moyen-Orient, la Syrie de Bachar al-Assad confirme son lien avec le Kremlin, comme l'Iran des ayatollahs, lui aussi dans la tourmente. Les drones employés mercredi par la Russie pour frapper à 80 km au sud de Kiev étaient d'ailleurs de facture iranienne.

À l'autre extrémité de l'orient, la Corée du Nord - qui a encore tiré ce jeudi deux missiles balistiques en Mer du Japon - s'adosse toujours à la Russie, comme la dictature dirigeant la Birmanie.

Neutralité (bienveillante)

Mais il est des soutiens plus ou moins vibrants ou prudents. Interrogée mercredi soir durant notre émission spécialement consacrée à la guerre entre la Russie et l'Ukraine, Sylvie Bermann, consultante BFMTV pour les questions diplomatiques et ancienne ambassadrice française à Moscou, a noté que beaucoup avaient préféré se réfugier dans une forme de neutralité face au conflit.

"Une centaine de pays avaient refusé au printemps dernier de demander l'exclusion de la Russie du Conseil des droits de l'Homme. C'est quelques pays de l'Amérique latine, une grande partie des États africains, et une partie du Moyen-Orient", a-t-elle introduit.

Cette réserve repose sur un double argument. "Beaucoup considèrent qu'il s'agit d'une guerre régionale, une guerre d'Européens", a ainsi relevé la diplomate avant d'ajouter: "Ils disent aussi: 'Quand il y a une guerre dans nos régions, comme au Yémen, ça vous est indifférent'. Donc il n'y a pas de soutien en tant que tel mais des pays qui refusent de condamner la Russie".

Ces amis qui s'éloignent

Le peloton de ces non-alignés a d'ailleurs vu ses rangs grossir à mesure que la Russie intensifiait son effort militaire contre l'Ukraine. Et le mouvement a notamment entraîné des amis historiques de la Fédération. Ainsi, le Kazakhstan du président Tokaïev, pourtant rouage essentiel de la Russie en Asie centrale, a pris ses distances, le pays accueillant même de nombreux Russes fuyant la "mobilisation partielle" voulue par l'exécutif.

L'Inde, elle aussi étroitement associée à la Russie, a beaucoup tenu mais a fini par la désavouer publiquement. Le 16 septembre dernier, rencontrant Vladimir Poutine en marge d'un sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai, le Premier ministre indien Narendra Modi a affirmé que "l'heure n'était pas à la guerre".

Le cas chinois

Mais c'est surtout la position de la Chine, géant géopolitique et rival de la puissance américaine, qui concentre l'attention internationale. Et elle se dirige de plus en plus vers une position médiane.

"La Chine est très embarrassée par cette guerre", a analysé Sylvie Bermann.

"Elle en subit aussi les conséquences sur le plan économique et ça affaiblit son principal partenaire contre les États-Unis. Elle a fait passer le message lors d'une réunion à Samarkand, en disant qu'il fallait un cessez-le-feu tout en garantissant les préoccupations de sécurité des deux pays. Donc, en réalité, elle n'ira pas contre la Russie", explique-t-elle.

Aux instants critiques, comme lors de la réunion du Conseil de sécurité de l'ONU tenue il y a trois semaines pour sanctionner les annexions annoncées des territoires ukrainiens de Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporijia par la Russie, la Chine s'est abstenue. Comme l'Inde, le Brésil... Et le Gabon, l'un des rares pays africains bienveillants à l'égard du Kremlin.

Mais la situation est mouvante et la tectonique de ces plaques géopolitiques pourrait encore bouger. "Lundi, il y a une nouvelle réunion de l'assemblée générale des Nations unies à la suite de l'échec du vote au Conseil de sécurité, et on pourra faire une nouvelle photographie de ce qu'on appelle 'l'isolement de Poutine', ce qui est sans doute exagéré par rapport au monde", a enfin synthétisé Sylvie Bermann sur notre plateau.

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - Qui est Vladimir Poutine, le président de la Russie ?