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Europe: Chute libre prévisible des achats de brut iranien

par Julia Payne, Dmitry Zhdannikov et Amanda Cooper

LONDRES (Reuters) - Les raffineurs européens réduisent leurs achats de pétrole brut iranien plus vite que prévu, laissant penser que les sanctions que les Etats-Unis veulent imposer à nouveau à l'Iran risquent d'avoir un impact bien plus marqué que celles de 2012, même si l'Union européenne (UE) cette fois-ci ne participe pas.

Washington a fait savoir que les compagnies pétrolières devaient progressivement cesser leurs activités avec l'Iran d'ici au 4 novembre au risque d'être exclues du système financier américain.

L'Europe avait imposé son propre embargo sur le pétrole iranien après les sanctions américaines imposées par Barack Obama en 2012. Cette fois-ci, les lignes de crédit sont coupées et même si les Européens s'en tiennent à l'accord sur le programme nucléaire iranien de juillet 2015, qui a entraîné la levée des sanctions contre Téhéran, les achats européens sont près de cesser purement et simplement.

"Ces sanctions seront pires que celles d'Obama. Avec lui, on savait où on allait, comment faire avec les sanctions (...) Mais avec Trump, on ne peut jurer de rien; tout le monde a peur", a dit une source de l'industrie pétrolière.

La Banque de Commerce et de Placements (BCP) suisse a dit à ses clients qu'elle arrêterait de financer les cargaisons de brut iranien au 30 juin, selon deux sources au fait du dossier.

BCP avait dit fin mai qu'elle suspendrait toute nouvelle transaction avec l'Iran et cesserait peu à peu cette activité. Un porte-parole s'est refusé à tout commentaire sur la date-butoir du 30 juin.

BCP a notamment comme clients Hellenic Petroleum, Total et Litasco, société de négoce genevoise du russe Lukoil, selon plusieurs sources au fait de la question.

Certains cherchent d'autres solutions bancaires mais la prime attachée aux tarifs du fret iranien, des prix de vente officiels élevés et l'imprévisibilité du président américain Donald Trump sont décourageants et ces raffineurs ne vont sans doute pas charger du brut iranien, ont ajouté les sources.

L'INDE DEVRAIT AUSSI RÉDUIRE SES IMPORTATIONS

Litasco a un accord de préfinancement à l'exportation de 300 millions d'euros avec l'Iran mais ne fait plus de crédit renouvelable depuis que les nouvelles sanctions ont été annoncées, a observé une source ayant une connaissance directe des faits.

Les raffineurs espagnols Cepsa et Repsol passaient par la banque madrilène Ares mais Cepsa n'importera plus à compter du début juillet, selon des sources, car les cargaisons les plus tardives n'ont pu être agréées avant l'annonce des sanctions. Cepsa avait dit auparavant qu'il chargerait du brut iranien jusqu'en novembre, espérant une exemption.

L'Europe représente 20% environ des 2,5 millions de barils par jour (bpj) que l'Iran exporte.

A l'origine, Washington voulait purement et simplement un embargo total sur les exportations pétrolières iraniennes puis la Maison Blanche a dit qu'elle examinerait chaque pays au cas par cas afin qu'un maximum d'entre eux n'importent plus la moindre goutte de brut iranien d'ici le 4 novembre.

La Turquie, gros importateur de pétrole iranien, a fait savoir qu'elle ne romprait pas ses liens commerciaux avec Téhéran.

La Turquie a acheté quelque 170.000 barils par jour de brut iranien en mai, selon des données portuaires et maritimes, ce qui est conforme à la moyenne de la période janvier-avril, selon des statistiques officielles.

L'Inde, premier importateur de pétrole iranien après la Chine, avait continué d'en acheter à l'époque des premières sanctions mais le risque de ne plus avoir accès au système financier américain pèse cette fois-ci dans la balance et le ministère du Pétrole a prévenu les raffineurs de se préparer à une "réduction radicale", voire à des importations nulles.

Le russe Rosneft se prépare lui aussi à se passer du pétrole iranien à partir de novembre à la suite d'une communication du Kremlin. Le pétrolier a déjà réduit ses importations depuis ce mois-ci.

En 2012, les acheteurs asiatiques que sont la Chine, la Corée du Sud et le Japon continuaient d'acheter autour d'un million de bpj de pétrole iranien, la moitié à peu près des flux iraniens normaux.

Des responsables gouvernementaux américains se sont rendus en Europe cette semaine et se déplaceront ensuite au Proche-Orient et en Asie afin de faire pression sur les différents pays concernés.

(avec Ahmad Ghaddar et Humeyra Pamuk à Istanbul; Wilfrid Exbrayat pour le service français)