Fiona Scott Morton, une Américaine nommée à Bruxelles, fait l’unanimité contre elle en France

Cette ancienne de Microsoft et Apple a été nommée à un poste lié à la régulation des géants américains de la tech. Une fois n’est pas coutume, les eurodéputés français parlent d’une même voix pour s’y opposer.

POLITIQUE - Yannick Jadot est « scandalisé », Jordan Bardella somme Ursula von der Leyen de venir se justifier. Une fois n’est pas coutume, les deux eurodéputés sont d’accord entre eux et aussi avec leurs collègues de centre gauche, de droite, insoumis et macronistes. L’objet de cette indignation commune : la nomination de l’Américaine Fiona Scott Morton, à un poste clé de la Commission européenne lié à la régulation des géants américains de la tech.

Fiona Scott Morton, professeur d’économie à l’université de Yale, a été choisie comme nouvelle économiste en chef à la Direction générale de la concurrence. Ce service est chargé de veiller au bon fonctionnement de la concurrence dans l’UE et d’enquêter notamment sur les abus des géants du numérique qui ont donné lieu à des amendes records ces dernières années. Problème pour les représentants français : Fiona Scott Morton, ancienne de l’administration Obama, a aussi travaillé auparavant comme consultante chez Apple et Microsoft.

Dans l’hémicycle ce jeudi 13 juillet, l’eurodéputé d’extrême droite et l’écologiste ont tout les deux pris la parole pour dénoncer cette décision, appelant Ursula von der Leyen à s’en expliquer voire à y renoncer.

Yannick Jadot a pointé du doigt la nationalité américaine de l’intéressée « alors que nous devons embaucher des citoyens européens » , mais il a surtout accusé Fiona Scott Morton d’être « une lobbyiste, pour Apple, pour Amazon, et pour Microsoft ». « Qu’on mette dans les institutions de la commission européenne une lobbyiste pour combattre les Gafam et les encadrer, c’est totalement scandaleux ! », a-t-il tonné, estimant que la décision va « à l’encontre de la souveraineté numérique européenne ».

Jordan Bardella estime, lui, que cette nomination pose « une question de conflits d’intérêts ». « La commission est-elle libre de toute influence de la part des États-Unis d’Amérique et de leurs sociétés ? », interroge-t-il.

Le ministre délégué au Numérique demande un nouvel examen

Et ils ne sont pas seuls à sortir du bois. « Embaucher une lobbyiste américaine des Gafam au moment où l’Europe se décidait enfin à limiter leur pouvoir, c’est un comble. Cette nomination est au mieux maladroite, au pire dangereuse. Dans tous les cas, la Commission doit y renoncer », a déclaré à l’AFP l’eurodéputé conservateur Geoffroy Didier (Les Républicains). « À Bruxelles, lorsqu’on sort un lobbyiste par la porte, il revient par la fenêtre », a-t-il fustigé.

L’eurodéputée membre de La France Insoumise Manon Aubry appelle de son côté à « mettre fin au pantouflage qui donne tout pouvoir aux lobbies », soutenue par Jean-Luc Mélenchon et François Ruffin. Cette nomination est aussi « inacceptable » pour l’eurodéputé de centre gauche Raphaël Glucksmann. « Nous avons travaillé d’arrache-pied pour réguler les GAFAM, ce n’est pas pour confier l’application de ces règles à leur lobbyiste. No way », ajoute-t-il sur Twitter.

L’indignation est partagée jusqu’aux macronistes du groupe libéral Renew. « La question des ressources se pose à tous les niveaux de la Commission européenne... Est-on obligé de recruter chez les Gafam américains ? », se demande Stéphanie Yon-Courtin pour qui les Gafam sont désormais « bien entourés pour naviguer dans le nouvel environnement réglementaire européen ». Sa collègue Nathalie Loiseau juge la décision « navrante ».

Ce jeudi après-midi, l’affaire a fait réagir jusqu’au ministre délégué à la Transition Numérique Jean-Noël Barrot. « À l’heure où l’Europe s’engage dans la régulation numérique la plus ambitieuse du monde, la récente nomination de l’économiste en chef de la DG (direction générale, NDLR) Concurrence n’est pas sans soulever des interrogations légitimes », souligne le ministre dans un tweet, avant d’inviter la Commission « à réexaminer son choix ».

La Commission européenne défend Scott Morton

Interrogée par l’AFP, une porte-parole de la Commission européenne a précisé que la nouvelle fonction de Fiona Scott Morton consistait en un rôle de conseillère sur les questions économiques auprès de la commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager. Elle a écarté tout risque de conflit d’intérêts. Avant que la nomination soit effective, « la Commission a soigneusement examiné si elle avait un intérêt personnel de nature à compromettre son indépendance », a-t-elle expliqué.

La porte-parole a souligné que la nouvelle économiste en chef ne serait « pas impliquée dans des dossiers sur lesquels elle a travaillé ou dont elle a eu connaissance dans son emploi précédent ». En outre, pendant les deux premières années dans ses nouvelles fonctions, Fiona Scott Morton ne pourra s’occuper « d’aucun dossier lié aux entreprises pour lesquelles elle a travaillé (ou qu’elle a eues comme clients) au cours de l’année précédant son entrée à la Commission ».

Quant à l’ouverture du poste à des candidatures hors UE, elle a été justifiée par « les connaissances très spécifiques requises ». Malgré cette ouverture large, la Commission assure avoir reçu seulement « un nombre limité de candidatures ». Fiona Scott Morton « s’est avérée être le meilleur choix parmi ces candidats, tant du point de vue de ses qualifications que de ses performances au cours de la procédure de recrutement », a expliqué la porte-parole.

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