"Héros du quotidien" : un éboueur se suicide après avoir été licencié

Héros mal payés (illustration MARCO BERTORELLO/AFP via Getty Images)
Héros mal payés (illustration MARCO BERTORELLO/AFP via Getty Images)

Le monde d’après : dans le Calvados, un éboueur a été licencié par son entreprise. Un licenciement motivé par le fait qu’il a accepté une bière offerte par un riverain, en remerciement de son travail pendant le confinement.

La Coved n’a pas souhaité commenté. Les explications auraient pourtant été les bienvenues pour le fils de 18 ans, orphelin après avoir déjà perdu sa mère, emportée par la maladie il y a quelques années. Vendredi dernier au Fresne-Camilly près de Caen, vers 5h30, son père a revêtu sa tenue d’éboueur et ses chaussures de sécurité. Mais au lieu de se rendre à son travail comme tous les jours depuis 26 ans, il a mis le canon de son fusil de chasse dans la bouche et tiré. À ses pieds, la lettre de licenciement envoyée la veille par la Coved.

Héros du quotidien depuis 26 ans

"Avec son collègue, ils ont accepté deux bières offertes par un client", explique Ahmed Benani, élu CFDT au CSE de la Coved, à France Bleu Calvados. Le riverain souhaitait les remercier pour leur travail pendant le confinement. Suite à cette pause imprévue, l’éboueur est contrôlé à 0,19 g d’alcool par litre de sang. Trop au goût de la direction, qui le laisse terminer sa tournée et ramener le camion au dépôt avant de le licencier. Ahmed Benani, lui, s’interroge : "S'il était vraiment dangereux, il ne fallait pas le laisser reprendre le volant ?". Quant à Yannick Martin, délégué CGT dans l’entreprise d’une trentaine de salariés, il rappelle les états de service irréprochable de son ancien collègue : "En 26 ans de carrière, il a été mis à pied une fois pour un changement de nom sur un planning."

“Ils auraient pu lui laisser une deuxième chance"

"Mes parents sont dévastés”. Pablito Patry, frère de la victime et lui-même éboueur, reconnaît que son frère n’aurait pas dû consommer d’alcool. Mais regrette le management pour le moins expéditif de l’entreprise envers son frère, veuf depuis six ans : “Ça n'était jamais arrivé en 26 ans de carrière. Ils auraient pu lui laisser une deuxième chance". Avec ses parents, il envisage de porter plainte contre la Coved. Son neveu de 18 ans est désormais orphelin.

En attendant, Pablito pointe le cynisme absolu de l’affaire : "Mon frère a travaillé sans relâche pendant toute cette période, on était les héros du quotidien. Là c'est le monde qui s'écroule".