"J'ai viré une caution de 700 euros à la propriétaire, elle n'est jamais venue à la remise des clés" : un réseau d'arnaques à la location fait des victimes à Paris, Lyon et Gagny

Au printemps, plusieurs dizaines de personnes ont été victimes d'une arnaque à la location perpétrée par un même réseau dans plusieurs villes de France dont Paris, Lyon et Gagny. En deux ans, les services de police ont recensé au moins 20 000 escroqueries en ligne basées sur de fausses locations immobilières.

Un commissariat de police à Paris, en 2016 (Crédits : Getty Images).

Tout était prêt pour le déménagement. Larissa et son ami avaient donné leur préavis à leur bailleur, ils avaient signé leur nouveau contrat de location et l'état des lieux d'entrée était fixé au 1er mars. Mais le jour J, leur nouvelle propriétaire n'est pas venue au rendez-vous. Elle n'a plus jamais donné signe de vie, malgré leurs multiples relances pour récupérer les 700 euros de dépôt de garantie viré sur son compte bancaire. Et pour cause : l'appartement qu'ils avaient visité était en réalité un bien loué à la journée sur un site de location saisonnière par des escrocs. Ce type d'arnaque à la location est désormais répandu.

Une annonce en ligne, une visite et une signature de bail dans la foulée

Tout a commencé par une annonce immobilière repérée par Larissa sur le site Le Bon coin. Il s'agissait d'un appartement à Gagny (Seine-Saint-Denis), affiché à 750 euros par mois, charges comprises. "J'ai écrit à la propriétaire, une certaine Noellie, qui m'a proposé une visite quelques jours plus tard", raconte l'étudiante à Yahoo. "Tout semblait normal, elle m'a juste prévenue que son beau-frère ferait la visite car elle avait un empêchement". C'est l'ami de Larissa qui visite l'appartement. Convaincu par ce bien, le couple décide ensuite d'envoyer son dossier, espérant être sélectionné.

Quelques jours plus tard, la propriétaire les recontacte pour leur annoncer que leur dossier est retenu, et qu'ils doivent lui virer un dépôt de garantie de 700 euros. Prudent, le couple lui demande de fournir ses papiers d'identité et son avis d'imposition, et il demande à signer le contrat de location avant d'effectuer toute transaction financière. La propriétaire s'exécute et les deux parties finissent par signer le bail par voie électronique.

À LIRE AUSSI >> "Il m’a dit que l’odeur de la litière avait imprégné les lieux" : mon proprio a-t-il le droit de m'interdire d'avoir un chien ou un chat ?

Rassurée, Larissa envoie alors un virement de 700 euros, correspondant au dépôt de garantie, sur le compte bancaire de la propriétaire. Tout semble fin prêt avant la remise des clés le 1er mars. "Mais une semaine avant, j'ai contacté Noellie pour confirmer le rendez-vous, et je n'ai reçu aucune réponse, ni par mail, ni par téléphone", se remémore l'étudiante.

"On m'a dit que j'étais la cinquième à déposer plainte"

Au commissariat de Gagny où elle a porté plainte, la jeune femme apprend qu'elle n'est pas la seule victime. "On m'a dit que j'étais la cinquième à déposer plainte pour une arnaque concernant cet appartement". Car le mode opératoire est bien rodé, et les escrocs déploient cette arnaque sur tout le territoire. De nombreuses victimes ont cru visiter un appartement proposé à la location par une certaine Noellie. Mais en tapant son prénom et son nom dans Google, certains ont découvert que la jeune femme s'était fait usurper son identité.

Capture d'écran d'un message posté sur LinkedIn en mars 2024 par une jeune femme victime d'une usurpation d'identité. Les escrocs ont utilisé son identité pour monter des dizaines d'arnaques à la location.
Capture d'écran d'un message posté sur LinkedIn en mars 2024 par une jeune femme victime d'une usurpation d'identité. Les escrocs ont utilisé son identité pour monter des dizaines d'arnaques à la location.

"Je me suis fait voler ma carte d’identité et récemment quelqu’un utilise mes papiers d’identité pour arnaquer des gens", écrit la vraie Noellie dans un post LinkedIn publié en mars. "Je ne suis propriétaire d’aucun logement, si vous entrez en contact avec quelqu’un nommé Noellie ce n’est pas moi", insiste-t-elle, ajoutant qu'elle va entamer des démarches judiciaires. Dans les commentaires, de nombreuses personnes racontent avoir été leurrées par des individus détenant les papiers d'identité de la jeune femme. Quelques-uns la remercient : "nous allions envoyer le versement de caution. Merci de votre avertissement", écrit Hervé depuis Lyon.

Des dizaines de victimes du même réseau à Gagny, Paris, Lyon...

Les escrocs ont utilisé l'identité pour mettre faussement en location des appartements à Gagny, Lyon, et aussi Paris. Solenn en a fait l'expérience dans le 12e arrondissement de la capitale. Heureusement, elle a été mise en garde par d'autres candidats locataires qui soupçonnaient une escroquerie. "J'aurais pu envoyer mon dossier, car l'appartement était bien, et le loyer légèrement en dessous du marché", raconte Solenn.

Alertée par les autres visiteurs du jour qui avaient découvert le post LinkedIn de Noellie, elle contacte la police qui se rend sur place. Une technique bien rodée est mise à jour : "la femme qui venait de nous faire visiter l'appartement, et qui se présentait comme la belle-sœur de la propriétaire, avait en fait été recrutée via Snapchat. Elle était payée une centaine d'euros pour faire des visites pendant trois heures, dans un appartement qui était en réalité un meublé de tourisme", détaille Solenn.

La jeune femme a porté plainte pour préjudice moral, comme d'autres victimes. Comme Solenn, Jimena n'a pas subi de préjudice financier, mais elle a en revanche envoyé des justificatifs.

De nombreuses plaintes déposées

Les enquêteurs doivent désormais remonter jusqu'aux malfaiteurs qui ont vraisemblablement collecté plusieurs milliers d'euros sur différents comptes bancaires, en faisant croire à des candidats locataires que cette caution leur ouvrirait les portes d'un nouveau logis. Et Noellie n'est probablement pas la seule personne dont l'identité a été utilisée pour une arnaque à la location.

Depuis mars 2022, les services de polices ont enregistré 20 000 déclarations en ligne pour de fausses locations, précise à Yahoo le ministère de l'Intérieur, qui constate "une saisonnalité du mode opératoire, notamment à l'approche de l'été durant lequel les particuliers louent massivement des logements pour leurs vacances". En région parisienne, 115 faits d’escroqueries au logement ont été enregistrés au premier trimestre cette année, dont 71 à Paris, précise la préfecture de police de Paris à Yahoo. Depuis le début de l'année, 115 cas d'escroqueries au logement ont été enregistrés en région parisienne, dont 71 dans la capitale, précise à Yahoo la préfecture de police de Paris.

Quant à Larissa et son ami, ils espèrent que l'enquête leur permettra de récupérer leurs 700 euros. En attendant, ils ont fini par emménager dans un nouvel appartement. "C'était vraiment la galère, on a dû trouver en une semaine, car on avait déposé notre préavis", souffle-t-elle. Ils sont passés cette fois par une agence. "C'est plus cher, mais on ne voulait pas prendre de risque", dit Larissa.

Quelques conseils

Les arnaques sont de plus en plus sophistiquées, mais certains points de vigilance peuvent vous alerter. Sur le site de petites annonces immobilières, si le profil utilisateur du soi-disant bailleur est récent, méfiez-vous. Si le bailleur se fait représenter par un proche lors de la visite, demandez à pouvoir le rencontrer ou lui parler au téléphone. Le ministère de l'Intérieur recommande de ne pas échanger autrement que via la messagerie interne du site de petites annonces et de toujours préférer "des moyens de paiement sécurisés (virement, solutions de paiements en ligne)" plutôt que des moyens de paiement facilitant l'anonymat.

Si vous envoyez des documents personnels, pensez à les protéger : vous pouvez pour cela utiliser la plateforme Dossier Facile, un site du service public qui facilite et sécurise les échanges de documents entre locataires et propriétaires.

Autre astuce : sur tous les documents que vous transmettrez au supposé bailleur, inscrivez une mention de type : "transmis le [date] à [destinataire, mail] dans le cadre de l'annonce de location [référence] publiée sur [nom du site]. Cela permettra de limiter le risque d'une réutilisation de vos justificatifs à des fins d’usurpation de votre identité. Vous pouvez le faire à la main, en écrivant sur vos photocopies, ou à l'aide d'un logiciel ou encore en utilisant le service Filigrane Facile créé par le gouvernement.

Si malgré ces précautions vous avez été victime d'une arnaque à la location via Internet, vous pouvez porter plainte en ligne sur le site du service public.