Le "oui" des Turcs d'Allemagne suscite un débat sur l'intégration

BERLIN (Reuters) - Choqués par le soutien apporté par nombre de Turcs d'Allemagne au renforcement des pouvoirs du président turc, lors du référendum de dimanche, certains élus allemands ont préconisé d'en finir avec la double nationalité et ont suscité un débat sur l'intégration. Si en Turquie 51,4% des électeurs ont voté "oui" à la réforme constitutionnelle voulue par Recep Tayyip Erdogan, en Allemagne le "oui" a rallié 63% des suffrages, parmi les 1,4 million d'électeurs de la communauté turque du pays. A Essen, dans l'ouest de l'Allemagne, 75,9% des électeurs turcs se sont prononcés en faveur du "oui". Certains experts font valoir que nombre de Turcs établis en Allemagne viennent des régions rurales et conservatrices de Turquie comme l'Anatolie, où l'on a voté très majoritairement pour le "oui", et pointent les liens entre la plus importante fédération de mosquées d'Allemagne, Ditib, et le parti islamo-conservateur au pouvoir à Ankara. "Les mosquées, ici, sont des bureaux de vote de l'AKP", analyse la sociologue Necla Kelek, citée par le journal Bild. L'Allemagne compte trois millions d'habitants d'origine turque et certains hommes politiques estiment que la fidélité de nombre d'entre eux à Erdogan, jugé autoritaire par beaucoup d'Européens, traduit un rejet des valeurs démocratiques. "Ceux qui, dans un pays libéral comme l'Allemagne, votent pour abolir la liberté en Turquie ou pour la restreindre, n'ont manifestement pas accepté nos valeurs", a estimé le dirigeant du FDP (centre), Christian Lindner, en ajoutant que les Turcs d'Allemagne devaient respecter la Loi fondamentale du pays d'accueil. Plusieurs hauts responsables de la mouvance conservatrice au pouvoir ont appelé à limiter la double nationalité, comme l'élu bavarois Stephan Mayer. "Il est important de revenir sur les changements qui ont facilité l'obtention de la double nationalité", a-t-il dit. A cinq mois des législatives fédérales du 24 septembre, le parti eurosceptique et anti-immigration AfD, crédité de 7% à 11% d'intentions de vote, s'est prononcé lui aussi pour la fin de la double nationalité pour les Turcs établis en Allemagne. "Qu'il ait fallu un référendum en Turquie pour que les conservateurs s'aperçoivent que l'intégration, surtout chez les Turcs, a échoué, montre à quel point ils sont en décalage avec la réalité", a estimé un responsable du parti AfD dans le Land de Bade-Wurtemberg, Emil Sänze. (Madeline Chambers; Eric Faye pour le service français, édité par Tangi Salaün)