"Maman a souffert" : elle dénonce le viol de sa mère par des soldats américains lors du Débarquement en 1944

À l'approche des célébrations du Débarquement des troupes alliées en France, Aimée Dupré ne veut plus garder le silence. À 99 ans, elle dénonce publiquement le viol subi par sa mère et commis par deux américains en 1944.

Cette lettre, elle la conserve "pour ne rien oublier". À 99 ans et alors que la France se prépare à commémorer les 80 ans du Débarquement en Normandie, Aimée Dupré veut plus que jamais dénoncer le viol de sa mère commis par des G.I., des soldats américains.

En 1944, l'espoir est à nouveau permis en France avec l'arrivée de 156.000 soldats américains, britanniques et français qui débarquent sur les plages de Normandie. Dans son petit village breton, à Montours (Ille-et-Vilaine), Aimée a alors 19 ans et comme tous ses voisins, se réjouit de l'arrivée de ces "libérateurs", qui annonce la fin de l'occupation allemande.

Mais le soir du 10 août, deux soldats américains entrent dans la ferme familiale. "Ils ont été dans le voisinage où malheureusement on leur a donné de l'eau-de-vie. Ils sont revenus une heure plus tard et là ils étaient complètement fous"", raconte-t-elle, en lisant la lettre que sa mère lui a laissée.

"Comme mon mari avait essayé de les empêcher d'entrer car ils demandaient 'madame', on lui a tiré deux balles dont l'une a percé le béret dont il était coiffé", lit encore Aimée Dupré. "Ils m'ont emmené dans les champs et ils m'ont violé quatre fois chacun, en tournant. Ils me tenaient avec la carabine et l'autre m'a emmené pieds nus".

"Là, ils l'ont violé comme ils l'ont voulu, avec des fusils toujours pointés sur elle", témoigne face caméra Aimée Dupré, "ils l'ont laissé revenir seule à la maison et elle avait peur d'être fusillée".

"Elle a souffert, maman a souffert, moi aussi par la suite parce que tous les jours j'y pense encore", poursuit Aimée Dupré.

Depuis la libération de la France, les autorités militaires américaines ont jugé 152 soldats pour le viol de Françaises. Un nombre "largement sous-estimé", affirme Mary Louise Roberts, l'une des rares historiennes à s'être penchée sur ce "grand tabou de la Seconde guerre mondiale". Pour motiver les G.I. à combattre si loin de chez eux, "l'armée leur a promis une France peuplée de femmes faciles", souligne la spécialiste américaine.

Le journal Stars and Stripes, publié par les forces armées américaines et lu avidement par les milliers de soldats déployés en Europe, regorge ainsi de photos de Françaises embrassant les libérateurs.

"Les Françaises sont folles des Yankees (...) voilà ce pour quoi nous nous battons", titre le journal le 9 septembre 1944.

"La perspective du sexe motivait les soldats américains à combattre. Et c'était, notamment via la prostitution et le viol, une manière de dominer la France, dominer les hommes français qui avaient été incapables de protéger leur pays et leurs femmes face aux Allemands", explique Mary Louise Roberts.

"On peut estimer que des centaines, voire des milliers d'autres viols par des soldats américains n'ont pas été signalés entre 1944 et le départ des G.I. en avril 1946."

Article original publié sur BFMTV.com