Numéro 2 du Hamas tué au Liban: après Gaza, faut-il craindre un embrasement régional?

"Nous sommes hautement préparés pour tout scénario", a déclaré mardi soir le porte-parole de l'armée israélienne Daniel Hagari. Au lendemain de la frappe qui a tué le numéro 2 du mouvement islamiste palestinien Hamas dans la banlieue de Beyrouth, une extension du conflit qui agite le Proche-Orient depuis le 7 octobre est-elle possible?

Le Hezbollah libanais a prévenu dès mardi soir que "l'assassinat de Saleh al-Arouri" était non seulement une "grave agression contre le Liban" mais aussi "un sérieux développement dans la guerre entre l'ennemi et l'axe de la résistance", expression désignant l'Iran et ses alliés régionaux hostiles à Israël.

L'attaque ne "restera pas impunie", promet le Hezbollah

Plus tôt, le Liban était secoué d'une vive onde de choc avec une frappe attribuée par le Liban à Israël dans la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah pro-iranien, qui a tué Saleh al-Arouri, numéro 2 de la branche politique du Hamas, ainsi qu'au moins six autres de ses cadres.

"Ce crime ne restera pas sans riposte ou impuni", a ajouté le mouvement politique et armé. Le Premier ministre libanais Najib Mikati a de son côté accusé Israël de "vouloir entraîner le Liban dans une nouvelle phase de confrontation".

Vers une extension du conflit?

Le gouvernement a toutefois également appelé à "la paix dans la région" par la voix de son ministre des Affaires étrangères. Sur la BBC mardi soir, Abdallah Bou Habib a affirmé que le Premier ministre libanais avait demandé au Hezbollah de "ne pas répondre lui-même" à l'attaque israélienne.

"Nous avons l'espoir que (les tensions, NDLR) ne s'aggraveront pas si Israël ne fait pas d'autres dégâts au Liban comme celui-ci", a-t-il déclaré. "Nous craignons qu'Israël, pour compenser ses échecs à Gaza, essaie d'étendre la guerre", a-t-il néanmoins ajouté.

Le risque de "déclencher une guerre de haute intensité"

Pour riposter, le Hezbollah pourrait "perpétrer des attentats terroristes", comme il l'a déjà fait par le passé, "à la fois contre des Israéliens à travers le monde, mais également contre des communautés juives", a expliqué ce mercredi 3 janvier sur BFMTV le géopolitologue Frédéric Encel. Le mouvement pourrait "tenter également de toucher des consulats ou des ambassades d'Israël dans le monde entier".

Il pourrait aussi "augmenter le niveau d'escalade à la frontière nord d'Israël, en frappant peut-être plus profondément en Israël, en envoyant des roquettes et des missiles plus seulement à trois, quatre, cinq, six kilomètres mais à 10, 15 ou 20 kilomètres", mais avec le risque de "déclencher une guerre de haute intensité contre Israël", a développé le spécialiste du Moyen-Orient.

Un rapport de force défavorable au Hezbollah

Mais le Hezbollah "risquerait d'y perdre beaucoup", selon Frédéric Encel. Ce dernier a souligné que "l'armée israélienne en ce moment est extrêmement dangereuse, le gouvernement israélien lui laisserait la bride pour une opération militaire non seulement aérienne, mais terrestre, sans doute très dommageable au Hezbollah, le tout poussé par une opinion israélienne surchauffée depuis le terrible pogrom du 7 octobre dernier".

Le Hezbollah et l'Iran n'ont donc "pas réellement intérêt à basculer dans une guerre totale", a-t-il estimé.

Il n'est pas le seul spécialiste à douter que le Hezbollah souhaite se lancer dans une attaque d'ampleur contre Israël. Sur BFMTV mercredi, Georges Malbrunot, grand reporter au Figaro, a également jugé que "le Hezbollah n'a pas intérêt, ni l'Iran, à une guerre totale contre Israël".

"Le Hezbollah affiche une solidarité à l'égard du Hamas, mais sa priorité était jusqu'à aujourd'hui de protéger le Liban. Par conséquent, je ne suis pas sûr que le Hezbollah se lance dans une riposte de grande envergure", a-t-il expliqué.

Une prise de parole attendue mercredi soir

Pascal Boniface, directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), a également souligné mercredi sur RTL que "le conflit est déjà régional". Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas le 7 octobre, les tensions se multiplient à la frontière israélo-libanaise, en Syrie et en Irak où des bases américaines sont prises pour cible, et en mer Rouge avec des attaques des rebelles Houthis, visant à freiner le trafic maritime international, en "soutien" à Gaza.

"Ce qu'on peut craindre, c'est une extension militaire du conflit", une "guerre de grande ampleur", après la frappe au Liban, a déclaré Pascal Boniface, même si "la dissuasion est en faveur d'Israël, qui a une plus grande force militaire et qui a le soutien américain".

"Mais une fois encore, il serait plus difficile pour Israël d'attaquer le Liban de façon massive (que d'attaquer la bande de Gaza, NDLR)", a précisé le géopolitologue.

"Et le Hezbollah pour l'instant est partagé entre un sentiment d'allié de l'Iran et du Hamas et le sentiment aussi d'être un mouvement national libanais qui ne peut pas mettre en danger tous les équilibres libanais au moment où le Liban ne va déjà pas très bien", a-t-il encore décrit. Le discours programmé à l'avance pour mercredi soir du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, pourrait donner le ton des semaines à venir.

Article original publié sur BFMTV.com