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Pourquoi Élisabeth Borne souhaitait réduire la vitesse sur autoroute à 110 km/h ?

Expérimentation menée sur l'A31, le 10 juillet 2009 à Féy où la vitesse est limitée à 110km/h. Cette expérimentation doit permettre une réduction de 7% des gaz à effet de serre sur le trajet. AFP PHOTO JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN (Photo by JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP)

Des propos tenus en juin 2020, lorsque la Première ministre occupait le poste de ministre de la Transition écologique et solidaire.

L'interview, qui date de juin 2020, est remise en avant par plusieurs médias spécialisés dans l'automobile depuis la nomination d'Élisabeth Borne comme Première ministre. Elle est interrogée sur BFMTV comme ministre de la Transition écologique suite à certaines propositions de la Convention citoyenne pour le climat.

Parmi ces 149 propositions, celle de diminuer la vitesse maximale autoriser à 110 km/h sur autoroute, contre 130 km/h aujourd'hui. La ministre se dit alors favorable "à titre personnel" à une telle mesure.

"Il faut reporter le débat sur les 110km/h"

Le président Emmanuel Macron avait finalement décidé de ne pas retenir cette proposition. "Jamais la transition écologique ne doit se faire au détriment des communes, des régions qui sont les plus enclavées, c’est pour cela que je crois qu’il faut reporter le débat sur les 110km/h", avait justifié le président. Sauf que reporter n'est pas renoncer, et l'arrivée d'Elisabeth Borne à Matignon pourrait faire revenir cette proposition sur le devant de la scène, alors qu'elle sera directement en charge de la planification écologique.

Une réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre

Une mesure qui a un sens d'un point de vue écologique. "Les avantages pour le climat sont réels puisqu’ils permettent une réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre en moyenne sur ces transports. Ils permettent également de faire baisser la mortalité et les dommages corporels sur les routes et peuvent contribuer à réduire les bouchons", expliquaient les citoyens de la Convention pour le climat (CCC) pour justifier leur proposition.

Selon l’Ademe, qui a publié une étude sur la question en 2014, "une réduction de la vitesse sur les voies rapides peut entraîner une baisse des émissions pouvant aller jusqu’à 20% pour les oxydes d’azote et les particules fines PM10 et jusqu’à 8% pour les polluants dans l’air ambiant". "La limitation de vitesse permet d’agir sur le trafic en le fluidifiant et en réduisant la congestion", précise l'agence de l'environnement et de la maitrise de l'énergie.

Un gain de pouvoir d'achat

Autre avantage souligné par les citoyens de la Convention pur le climat, un gain de pouvoir d'achat, alors qu'il s'agit de la préoccupation principale des Français. Une économie d'environ 1,40 euro aux 100 km. Un calcul fait alors que le prix du litre de SP95 était d'environ 1,30 euros, contre plus d'1,80 euro aujourd'hui.

Sauf qu'à en croire le commissariat général au développement durable, l'équation n'est pas si simple : une baisse de 20 km/h de la vitesse maximale autorisée sur les autoroutes entraînerait une baisse de la vitesse effective de 5 km/h seulement, soit une réduction de la consommation de carburant de 4,7%.

Un coût économique important

À cela s'ajoute le cout financier : si les ménages peuvent économiser du carburant, en contrepartie, les temps de trajets sont plus longs, entre 4 et 8 minutes par heure, ce qui a un coût économique : 550 millions d'euros selon une estimation de 2018 du Commissariat général au développement durable en raison de "la perte de temps occasionnée (- 1 150 M€) qui n’est pas compensée par les gains en accidentalité (150 M€) et les économies de carburant (360 M€)".

Lorsqu'elle a été évoquée, l'idée de réduire à 110 km/h la vitesse maximale sur autoroute a suscité une opposition massive d'association d'automobilistes et de plusieurs députés. Trois Français sur quatre sont opposés au passage à 110 km/h, selon un sondage Odoxa. De quoi faire craindre au gouvernement une résurgence de la colère des gilets jaunes, née notamment sur la limitation à 80 km/h sur nationale, sur laquelle de nombreux départements sont revenus.

Le sujet brûlant des ZFE à venir

Surtout, le gouvernement pourrait faire face à un sujet explosif chez les automobilistes : la mise en place des ZFE, des Zones à Faibles émissions qui visent à exclure des centre-villes les véhicules les plus polluants d'ici à fin 2024.

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Des autoroutes limitées à 110 km/h en France ? Une situation déjà expérimentée : depuis 2017, un tronçon de 9 km de l'autoroute A6 à hauteur de Chalon-sur-Saône est concerné. Six mois après, "on a vraiment une très nette diminution des oxydes d'azote au niveau de l'autoroute", explique Damien Huot-Marchand, de la Mission de la qualité de l'air - DREAL BFC, qui rapporte une baisse de plus de 30%.

Il y a 14 ans, Borloo appelait à rouler à 110 km/h

Il y a 14 ans, en 2008, c'est Jean-Louis Borloo qui tentait d'imposer les 110 km/h sur autoroute, à l'occasion des départs en vacances. "En période de départs en vacances, j'appelle les Français à la plus grande prudence sur les routes et à prendre conscience de l'intérêt de l'éco-conduite", lançait le ministre de l'Écologie et du développement durable à l'occasion du lancement de la campagne nationale d'information mise en place par la Sécurité routière et l'ADEME, afin d'appeler chaque Français à adopter une conduite douce et apaisée.

"Conduire moins vite, c'est à la fois moins consommer de carburant, moins de rejets de CO2 dans l'atmosphère, et une baisse des risques d'accidents. À la veille des vacances, on n'est pas obligé de passer par l'hôpital avant d'arriver à la plage. Ce n'est pas indispensable", lançait le ministre. À l'époque, une autre expérimentation était lancée sur l'A10. "Passer de 130 à 110, c'est 12 tonnes de CO2 économisées, 43 secondes seulement de temps de parcours en plus et 30 % d'accidents en moins", assurait à l'époque Henri Stouff, président-directeur général de Cofiroute, en présentant les résultats de cette expérimentation. Avant une prochaine généralisation en France ?

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