Pourquoi les clusters sont-ils toujours nombreux dans les Ehpad ?

Les foyers de contamination sont-ils inévitables dans les Ehpad ?
Les foyers de contamination sont-ils inévitables dans les Ehpad ?

Les Ehpad et maisons de retraites ont été très durement frappés par le coronavirus au printemps dernier. Après quelques semaines d’accalmie, la situation se dégrade à nouveau et les clusters fleurissent. Sont-ils inévitables dans ces établissements ?

Les Ehpad et maisons de retraites ont été frappés de plein fouet par la première vague de Covid-19, au printemps dernier. Nombre de ces établissements se sont transformés en foyers de contamination alors que les résidents, âgés, étaient plus propices à développer des formes graves de la maladie. Depuis le début de l’épidémie, selon Santé Publique France, plus de 10 000 résidents d’établissements d’hébergement pour personnes âgées sont décédés - un chiffre qui monte à plus de 13 000 si on ajoute les décès de ces résidents qui sont survenus à l’hôpital.

Après quelques semaines d’accalmie, les clusters repartent à la hausse dans les Ehpad et maisons de retraite. Le dernier bilan hebdomadaire, en date du 24 septembre, fait état de 77 nouveaux foyers de contamination déclarés dans les Ehpad entre le 14 et le 20 septembre, contre 70 la semaine précédente.

Un lieu de brassage

Avec une hausse des contaminations qui se généralise en France, les clusters dans les Ehpad sont-ils inévitables ? Il est vrai que plusieurs conditions sont réunies pour engendrer des foyers de contamination. “C’est un lieu de brassage : les résidents vivent en vase clos, mais avec des apports extérieurs avec les proches et les soignants - on sait que c’est un facteur de contamination important”, nous décrit Gérald Kierzek, médecin urgentiste, chroniqueur chez LCI/TF1 et auteur de Coronavirus - Comment se protéger ?.

En revanche, si l’âge des résidents a bien un impact sur la gravité de la maladie, il ne change en rien les risques de transmission.

À LIRE AUSSI >> Coronavirus : les personnes âgées ont-elles été sacrifiées ?

Personnel démoralisé et épuisé

Pour Romain Gizolme, directeur de l’AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées), si les connaissances sur le virus sont désormais bien meilleures que lors de l’arrivée du Covid-19 en France, la situation reste très préoccupante dans les Ehpad et les prochaines semaines inquiètent. “Le virus circule toujours et la population âgée reste la plus fragile”, rappelle-t-il. Mais ce qui pourrait rendre cette deuxième vague au moins aussi critique que la première, c’est le manque de moyens pour embaucher du personnel.

“Aujourd’hui, on a du personnel démoralisé, certains sont éreintés, d’autres sont en arrêt parce qu’ils ont le coronavirus, et d’autres sont totalement désabusés, parce qu’ils ne voient pas de renfort arriver et ils se disent que dans ces conditions, même s’ils ont été là pendant la première vague, ils ne le seront peut-être pas pour la deuxième”, nous décrit Romain Gizolme.

En tant que président de l’AD-PA, il a des retours non seulement sur la difficulté à recruter dans ce secteur mais aussi sur les conditions de travail. “Il faut qu’on puisse avoir plus de personnel, c’est vraiment l’urgence”, estime-t-il.

Quelques avancées notables

Si la situation ne s’est, pour l’heure, pas améliorée du côté des moyens dévolus au personnel, d’autres avancées sont tout de même à noter - même si elles ne sont pas forcément propres à ce secteur. Les masques sont par exemple plus disponibles qu’au début de la crise. Ce qui permet aux professionnels de santé d’en avoir en quantité plus raisonnable qu’au printemps.

Les avancées concernant les tests - et notamment les récentes annonces d’Olivier Véran visant à donner la priorité, entre autres, aux personnels des Ehpad - “sont absolument essentielles pour nous”, commente le directeur de l’AD-PA. “Avoir des résultats rapides nous permet de mettre en place des stratégies plus efficaces”, poursuit-il.

Il se félicite également des changements de protocole. Là où l’État avait privilégié des mesures nationales au printemps, c’est désormais “aux directrices et directeurs d’établissement de décider des mesures applicables localement, après concertation collégiale avec l’équipe soignante, en particulier les médecins coordonnateurs dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), en fonction de la situation sanitaire de l’établissement et dans le respect des préconisations locales délivrées par les ARS”, précise le document officiel du gouvernement dévoilé au mois d’août.

Plus de tests et plus de personnel nécessaires

Mais pour s’assurer que les Ehpad et maisons de retraite ne revivront pas une situation aussi dramatique qu’au début de la crise, il reste encore du chemin. “Il faudrait tester, probablement au moins une fois par semaine, résidents et personnels”, avance l’urgentiste Gérald Kierzek, avec la possibilité d’utiliser, si nécessaire, une technique de pooling, consistant à mélanger les prélèvements et ne faire qu’un seul test sur cet échantillon globale. Si le résultat est négatif, cela signifie que l’ensemble des personnes testées sont considérées comme négatives. Ce n’est qu’en cas de résultat positif qu’il faut analyser les prélèvements un par un, comme pour la technique classique.

Pour le médecin, il serait également nécessaire d’isoler les nouveaux entrants - notamment ceux venant de l’hôpital - à leur arrivée. De son côté, Romain Gizolme estime que la solution réside non seulement dans l’application stricte des gestes barrières, mais aussi dans le fait d’avoir “tout le personnel nécessaire à disposition”. Autant de pas qu’il faudra rapidement franchir, afin d’éviter de revivre le drame de la première vague.

NOS ARTICLES SUR LE CORONAVIRUS

>> La barre du million de morts franchie

>> Test, arrêt maladie, température... qu'est-ce que votre employeur peut vous imposer ?

>> Ce que l'on sait et ce qu'on ignore encore sur la deuxième vague en France

>> Quels sont les lieux les plus propices aux clusters ?

>> Immunité collective, chloroquine, aérosol... Le petit lexique du coronavirus

Ce contenu peut également vous intéresser :