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Pourquoi le rapport d’Amnesty international sur l’Ukraine est accusé de servir la Russie

Après la publication d’un rapport d’Amnesty International, l’ONG est accusée de servir la propagande russe en mettant sur le même plan l’action de Moscou et celle des forces armées de l’Ukraine (photo d’illustration prise auprès d’artilleurs ukrainiens dans la région de Kharkiv le 28 juillet).

Vyacheslav Madiyevskyy / Ukrinform / Future Publishing / Getty Images

Après la publication d’un rapport d’Amnesty International, l’ONG est accusée de servir la propagande russe en mettant sur le même plan l’action de Moscou et celle des forces armées de l’Ukraine (photo d’illustration prise auprès d’artilleurs ukrainiens dans la région de Kharkiv le 28 juillet).

GUERRE EN UKRAINE - L’armée ukrainienne met en danger la population civile du fait des tactiques militaires qu’elle emploie dans sa résistance face à la Russie. Voici ce qu’affirme l’ONG Amnesty International dans un rapport publié jeudi 4 août et qui ne cesse depuis de susciter des réactions outrées.

Ainsi, le président Volodymyr Zelensky a dénoncé une « tentative d’amnistie de l’État terroriste » russe après que le rapport a été dévoilé. Et d’ajouter que le document mettait « la victime et l’agresseur d’une certaine manière sur un pied d’égalité ».

Mais que contient ce rapport pour scandaliser à ce point les autorités de Kiev et conduire la responsable locale d’Amnesty International à la démission ? L’ONG y accuse l’armée ukrainienne d’établir des bases militaires dans des écoles et des hôpitaux, et de lancer des attaques depuis des zones peuplées, une tactique qui viole selon elle le droit humanitaire international et qui fait courir de grands risques à la population. Une thèse qui partage donc les torts entre Moscou et Kiev, ce dont se félicite le Kremlin, ravi de pouvoir rejeter la faute sur son adversaire.

Des civils comme boucliers humains ?

Sur la base d’enquêtes de terrain consécutives à des frappes russes dans les régions de Kharkiv (dans l’Est), du Donbass et de Mykolaïv (sud-est), au cours desquelles les cibles des frappes ont été inspectées et des témoins interrogés, Amnesty International dit avoir obtenu les preuves que l’armée ukrainienne lançait des frappes à partir de zones résidentielles peuplées de civils et avait établi des bases dans des bâtiments civils dans 19 villes et villages de ces régions. Tout cela sans demander aux populations locales d’évacuer.

« Nous avons documenté une tendance des forces ukrainiennes à mettre en danger les civils et à violer les lois de la guerre lorsqu’elles opèrent dans des zones peuplées », précise Agnès Callamard, la secrétaire générale d’Amnesty International.

Et de fait, en dépit des critiques de Volodymyr Zelensky ou du chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba, qui s’est dit « indigné » par les accusations « injustes » de l’ONG, Amnesty International a expliqué « maintenir pleinement » son rapport.

Agnès Callamard l’a notamment martelé auprès de l’Agence France Presse. Elle souligne ainsi que ces conclusions sont « fondées sur des preuves obtenues lors d’investigations de grande ampleur soumises aux mêmes normes rigoureuses et processus de vérification que tout le travail d’Amnesty International ».

Amnesty « assume » mais rejette l’équivalence des crimes

Elle déplore donc la réaction des autorités ukrainiennes « qui risque de paralyser une discussion légitime et importante de ces questions » de protection des civils, précisant que le gouvernement n’avait pas répondu à une demande de réaction ou de commentaire avant la publication du rapport.

Et de rejeter la thèse selon laquelle le rapport mettrait au même niveau l’envahisseur russe et l’agressé ukrainien. Toujours selon Agnès Callamard, l’ONG a « clairement indiqué que les pratiques militaires ukrainiennes » décrites dans son rapport, parmi lesquelles l’installation d’infrastructures militaires dans des écoles et des hôpitaux, « ne justifient en rien les violations systématiques par la Russie du droit international humanitaire ». Elle conclut : « Ignorer des violations commises par une partie privilégiée par rapport à l’autre ne serait pas une manière de rendre compte des droits humains. »

Après la publication du rapport, certains observateurs internationaux ont regretté que certains aspects n’aient pas été suffisamment pris en compte au cours de la rédaction. Ils évoquent ici le fait que l’Ukraine n’ait pas eu l’occasion de choisir le terrain sur lequel elle livre bataille à la Russie, en particulier du fait d’un long processus d’infiltration de la société par des pro-russes, ce qui a donné naissance à un conflit désordonné, mené en milieu urbain et auquel prennent part de nombreux civils inexpérimentés, voire totalement novices.

Utile « involontairement » à la propagande russe

De même, le rapport n’intègre pas des éléments tels que le fait que Kiev a régulièrement appelé la population civile à s’éloigner des lignes de front, et que la situation humanitaire est extrêmement pénible dans des zones où les forces ukrainiennes sont absentes, ce qui tendrait à relativiser les conclusions d’Amnesty International.

Quoi qu’il en soit, face au tollé déclenché par la publication du rapport, la dirigeante locale de l’ONG en Ukraine, Oksana Pokaltchouk, a annoncé sa démission dans la nuit de vendredi à samedi. Une décision qu’elle justifie en déplorant que la publication du rapport ait sans le vouloir servi « la propagande russe ».

« Si vous ne vivez pas dans un pays envahi par des occupants qui le morcellent, vous ne comprenez probablement pas ce que c’est de condamner une armée de défenseurs », ajoute-t-elle, assurant avoir demandé à la direction d’Amnesty International de ne pas publier un document qui ne serait que partiel et qui n’intégrerait pas la vision du ministère de la Défense ukrainien. « Par conséquent, l’organisation a publié un rapport qui semblait involontairement soutenir la version russe. S’efforçant de protéger les civils, ce rapport est devenu un outil de propagande russe. »

À voir également sur le HuffPost : Guerre en Ukraine : nouvelles frappes russes mortelles, Zelensky condamne « un acte terroriste »

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