Présidentielle 2022 : pourquoi la Primaire populaire tend la gauche ?

Menée par Samuel Grzybowki et Mathilde Imer, la Primaire populaire s'attire les foudres des candidats déclarés de la gauche à la présidentielle. (Photo by Thomas COEX / AFP)

La Primaire populaire aura lieu entre les 27 et 30 janvier, dans le but de faire émerger une candidature citoyenne unique à gauche. Problème : 3 des 7 candidats ont annoncé qu'ils ne s'y engageraient pas, et les critiques se multiplient.

C'est un sujet qui divise la gauche depuis plusieurs semaines : l'organisation d'une primaire populaire. Depuis l'annonce de la candidature de Christiane Taubira à l'élection présidentielle le 15 janvier dernier, on connait les 7 candidats qui "participeront" à cette primaire citoyenne organisée pour désigner le candidat de la gauche. Les différents partis de gauche français n'ayant pas organisé de primaire pour départager leurs candidats, c'est une association citoyenne qui a pris les devants pour le faire.

Si Christiane Taubira, Anna Agueb-Porterie, Pierre Larrouturou et Charlotte Marchandise ont annoncé qu'ils se présenteront ou non à la présidentielle en fonction du résultat de cette primaire, Jean-Luc Mélenchon, Anne Hidalgo et Yannick Jadot, ont déclaré qu'ils maintiendront leur candidature personnelle quoi qu'il se passe. Une situation qui crispe sérieusement les trois candidats à la présidentielle.

"Une arnaque absolue" pour Jadot

Créé sous l'impulsion de Mathilde Imer et Samuel Grzybowski, le collectif de la Primaire populaire recense plus de 300 000 inscriptions pour ce scrutin qui se déroulera via la plate-forme Neovote, déjà utilisée lors de la primaire des écologistes et du congrès Les Républicains (LR). Contrairement au système de vote le plus classique lors des primaires, les électeurs ne votent pas pour un candidat mais se prononcent sur tous les candidats et doivent leur donner une "mention" : très bien, bien, assez bien, passable ou insuffisant.

Alors que 65 % des partisans de gauche sont favorables à cette primaire citoyenne, LFI a demandé que le nom de Jean-Luc Mélenchon soit retiré, Yannick Jadot dénonce un "populisme de bobo, une arnaque absolue" et Anne Hidalgo a annoncé que la page de la primaire était tournée, elle qui voulait dans un premier temps s'y soumettre. Difficile donc de comprendre l'intérêt de cette Primaire populaire si trois des candidats investis de la gauche ne souhaitent prendre en compte le résultat.

Une primaire jugée illégale

Dans une tribune au JDD, le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier juge cette primaire "illégale". Selon le professeur agrégé de droit public, il ne s'agit d'ailleurs pas d'une primaire mais d'un sondage déguisé : "Bien qu'elle en porte le nom, cette initiative n'est pas une primaire. Et bien qu'elle n'en porte pas le nom, elle n'est autre qu'un sondage. [...] Il paraît délicat d'inscrire, contre son gré, quelqu'un dans un 'processus' électif. Or plusieurs personnalités ont indiqué leur refus de se prêter à l'exercice, tandis que les responsables du collectif ont laissé entendre que le processus les inclurait malgré tout."

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La fuite d'une vidéo fait polémique

Alors la tenue de cette Primaire populaire agite la gauche depuis plusieurs semaines, la fuite d'une vidéo n'a fait qu'envenimer les choses il y a quelques jours. Dans cette vidéo de base destinée à 200 bénévoles de la Primaire populaire, on y voit Samuel Grzybowski argumenter sur l'intérêt et la stratégie du scrutin.

Parmi ses arguments : faire baisser la côte de popularité des candidats pour dissuader les banques de financer leur campagne, récupérer les données personnelles de gens pour les faire voter à la Primaire populaire, ou même empêcher Anne Hidalgo, Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot d'avoir les 500 signatures. Si l'autre porte-parole du mouvement, Mathilde Imer, a dénoncé au Monde la fuite "d'une vidéo à usage interne, sortie de son contexte", cette volonté assumée d'affaiblir les candidats de gauche a fait grand bruit.

"Tordre le bras" aux candidats

À l'issue de cette primaire au fonctionnement inédit, un des candidats sortira vainqueur mais aucun des perdants n'aura la stricte obligation de renoncer à sa candidature. En revanche, une défaite pourrait avoir un impact sur leur campagne et ils seront affectés pour la suite de la présidentielle, comme le reconnait Samuel Grzybowski.

Pour Rémi Lefebvre, professeur à l'Université de Lille interrogé par Ouest-France, cette Primaire populaire est une façon de "tordre le bras" aux différents candidats et "une manière de s'imposer, de dire que de toute façon, il y a un bras de fer entre la société civile de gauche portée par la Primaire populaire et les partis politiques traditionnels". Pas sûr néanmoins que ce flou généralisé n'aide à remplir l'un des objectifs annoncés de cette primaire : réconcilier les citoyens avec la politique.

VIDÉO - Présidentielle 2022 : des gauches irréconciliables ?