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"On nous avait promis...": désabusés, des soldats ukrainiens racontent l'enfer de la bataille de Bakhmout

Un soldat ukrainien vérifiant la présence de mines potentielles sur un chemin dans la région de Kharkiv, en septembre 2022. - SERGEY BOBOK / AFP
Un soldat ukrainien vérifiant la présence de mines potentielles sur un chemin dans la région de Kharkiv, en septembre 2022. - SERGEY BOBOK / AFP

Alors que la ville de Bakhmout, dans l'est de l'Ukraine, est sur le point de tomber aux mains de l'armée russe, des soldats expliquent au "Kyiv Independant" que leur armée est mal préparée depuis le début de la bataille et manque cruellement d'hommes et de munitions. Surtout, certains mortiers utilisés par Kiev datent des années 1940.

La ville de Bakhmout, dans l'est de l'Ukraine, est sur le point d'être totalement encerclée par l'armée russe. Cette localité, devenue symbole de l'enlisement de la guerre en Ukraine, pourrait être prise par les forces de Vladimir Poutine et la milice Wagner dans les toutes prochaines heures. La faute peut-être au manque de préparation, de coordination et aux armes défaillantes de l'armée de Volodymyr Zelensky, analyse le Kyiv Independant, qui a recueilli le témoignage de plusieurs soldats ukrainiens qui ont combattu sur la ligne de front.

Dans un très long article publié ce dimanche soir par le média ukrainien, cinq combattants, dont l'identité complète n'a pas été dévoilée, expliquent qu'ils ont l'impression d'être dans le "même bateau" que leurs adversaires russes utilisés comme de la chair à canon.

"Nous devrions faire sortir nos gars"

Depuis plusieurs jours, les soldats ukrainiens subissent en effet les assauts de l'armée russe. "C'est difficile. Les vagues sont constantes, non-stop", témoigne Oleksandr, qui est dans un régiment d'infanterie.

"Nous devrions faire sortir nos gars (évacuer la ville et se replier, ndlr) parce que si nous ne partons pas, alors dans les prochaines semaines, ça va être très mauvais", poursuit le soldat.

D’autant que selon lui, le commandement n'envoie plus le soutien nécessaire pour maintenir une présence sur le terrain. Des soldats ukrainiens peuvent se faire tirer dessus pendant "trois heures, on attend des renforts, mais ils n'arrivent pas", affirme Serhiy.

Des armes qui datent des années 1938-1943

"Ils nous disent de tenir, qu'on aura du renfort en trente minutes ou une heure. Mais on attend pendant sept heures et il n'y a aucun renfort", poursuit l'un de ses camarades, aussi nommé Serhiy. Les deux hommes affirment que l'armée russe n'a pas ce genre de problème.

Pas de renfort à cause du manque de munition, analyse Illia dans les colonnes du Kyiv Independant. Celui qui utilise quotidiennement des mortiers affirme qu'il ne reçoit que "dix obus de 120 millimètres par jour." Une quantité nécessaire pour "une minute de travail" sur la ligne de front.

"Bakhmout sera vite encerclée"

Selon le soldat, l'équipement de l'armée ukrainienne date des années 1938-1943. "Un miracle" que les mortiers fonctionnent encore aujourd'hui, assure Illia.

"Nous avons besoin de munitions, de munitions et de munitions", martèle le soldat, qui estime qu'au rythme actuel, "Bakhmout sera vite encerclée."

En plus du manque de munitions, l'armée est "désorganisée", plaident ces soldats, toujours engagés dans la défense du territoire ukrainien.

Un BTR russe (un tank, ndlr) aurait ainsi terrorisé l'infanterie ukrainienne pendant un mois à Bakhmout sans être détruit par des armes lourdes, alors que l'appareil avait été signalé à la chaîne de commandement plusieurs fois. La faute à un manque de matériel de communication adapté et de spécialistes pour les faire fonctionner, selon les propos de Serhiy.

Des soldats inexpérimentés

Les soldats que le Kyiv Independant a pu rencontrer affirment, selon le journal, que le manque de préparation est aussi l'une des principales causes de la déroute actuelle de l'armée ukrainienne.

"Deux semaines d'entraînement et ils vous envoient ici. On ne peut pas faire ça", dénonce Serhiy.

"On nous avait promis qu'on ne nous enverrait pas tout de suite en première ligne, qu'on nous enverrait d'abord sur la deuxième ou sur la troisième ligne", poursuit-il. "Et puis nous sommes arrivés ici au milieu de la nuit et ils nous ont immédiatement envoyés à Bakhmout", continue le soldat.

"C'est la raison pour laquelle des positions sont abandonnées", affirme son frère d'armes homonyme. "Je suis allé sur un poste avec six personnes qui n'avaient jamais combattu. Il y a eu quelques morts et blessés qui ont dû être évacués... Notre peuple n'est pas protégé", dénonce-t-il.

"Ils n'auraient pas dû se précipiter et nous envoyer tous là-bas", déplore Serhiy, qui estime lui aussi qu'un repli est peut-être la meilleure option aujourd'hui. "Mieux vaut abandonner ces positions. Il vaut mieux former les gens correctement."

Ce dimanche, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rendu hommage ce dimanche à la "bravoure" des soldats qui combattent l'armée russe avec acharnement dans l'est du pays,

"Je voudrais rendre un hommage spécial à la bravoure, à la force et à la résilience des soldats qui combattent dans le Donbass", a dit Volodymyr Zelensky dans sa déclaration quotidienne, ajoutant qu'il s'agissait "d'une des batailles les plus difficiles. Douloureuse et difficile".

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - Guerre en Ukraine: à Bakhmout, un revers symbolique s'annonce pour Kyiv