Qu’est-ce que le « body count », cette pratique ultra-sexiste tendance sur TikTok ?

Le bodycount, une pratique qui consiste à compter le nombre de partenaire sexuels qu’ont eu les jeunes femmes.
Le bodycount, une pratique qui consiste à compter le nombre de partenaire sexuels qu’ont eu les jeunes femmes.

SEXISME - « Tu penses que c’est quoi son body count ? » « Je dirais 17, ça se voit qu’elle couche avec tous les mecs. » Dans une série de vidéos virales, le tiktokeur Ugo Original s’amuse à faire deviner à ses 1,8 million d’abonnés le « body count » de personnes qu’il aborde dans la rue. Un terme, devenu très populaire sur les réseaux sociaux, qui désigne le nombre de partenaires sexuels que quelqu’un a eus dans sa vie.

Depuis plusieurs mois, les vidéos et commentaires sur le sujet pullulent sur TikTok et Twitter. Mais derrière l’ambiance ludique et bon enfant de ce contenu se cache souvent une rhétorique sexiste, voire masculiniste, récupérée parfois à l’extrême droite.

À l’origine, le « body count » (littéralement le « décompte des corps ») est un terme employé dans le domaine des faits divers pour qualifier le nombre de victimes lors d’un accident ou d’une catastrophe naturelle. Mais sa reprise sur les réseaux sociaux lui a donné un tout autre sens. Sur TikTok, le « body count » fait référence au nombre de relations sexuelles qu’a eues une personne.

Compter ses ex-partenaires et comparer les chiffres entre amis ou en couple n’a rien de nouveau. Les listes d’ex ont même servi de ressort comique dans une série comme Friends, où Richard et Monica se comparent au début de leur relation.

« Les filles n’aiment pas dire le vrai chiffre »

Cette pratique a récemment connu une résurgence sur TikTok. En France, le tiktokeur Ugo original interroge des inconnus à la façon d’un micro-trottoir. Mais attention, prévient-il : si ce sont des filles qui répondent, il ne faut pas oublier d’appliquer « la règle de 3 », c’est-à-dire multiplier le nombre de partenaires donnés par trois, « parce que les filles n’aiment pas dire le vrai chiffre », assure le tiktokeur dans une séquence qui a été visionnée plus de 4 millions de fois.

@ugoriginal

(Pt.2) Ca tire à balles réelles 🤣 #bodycount

♬ son original - ugoriginal

Les blagues sur le « body count » des femmes sont légion et charrient le plus souvent une bonne dose de sexisme. Alors que, dans la téléréalité britannique Love Island, les candidats sont hilares quand l’un d’entre eux déclare avoir arrêté de compter ses partenaires sexuelles quand il est arrivé à 100, les femmes sont jugées voire insultées sur les réseaux lorsque leurs ex ne peuvent pas être comptés sur les doigts d’une main.

Discours de haine

Quand on demande au tiktokeur Yomidenzeloff (plus de 190 000 abonnés) si « la valeur d’une femme sur le marché de la séduction va diminuer selon le nombre de partenaires qu’elle a eus auparavant », sa réponse est claire : « La réalité, c’est que oui. C’est un fait, soit tu ignores les faits, soit tu acceptes les faits. » Dans les commentaires, on l’applaudit. « Il a dit les termes », estime un utilisateur, quand un autre livre une analyse empreinte d’un sexisme crasse : « Un téléphone reconditionné est toujours moins cher. »

Sur Twitter, les messages à l’encontre des femmes qui ont eu de nombreux partenaires sont là aussi très virulents. « Devenir le vide couilles de 50 mecs et me dire que t’as de l’amour-propre et du respect envers toi-même ptdr, succombez comme des animaux à vos envies. On veut quelqu’un de mature et qui sait ce qu’elle veut », peut-on ainsi lire dans un tweet datant de mai 2023.

Prôner le puritanisme

Une rhétorique qui séduit aussi l’extrême droite. Sur ses comptes TikTok et Twitter, Thaïs d’Escufon, ancienne porte-parole de Génération identitaire, enchaîne les messages masculinistes. Et la théorie du « body count » est devenue l’un de ses sujets fétiches.

Dans une vidéo datée du 12 mai dernier, la militante d’extrême droite explique pourquoi on doit « prêter attention [au body count] dans [son] choix de partenaire, et pourquoi ça a des conséquences différentes chez les hommes et chez les femmes ».

@descufonthais

Qu’est-ce que le body count et pourquoi tu dois y prêter attention ? 🍑 #bodycount #fyp #pourtoi #thaisdescufon #relationshommesfemmes

♬ son original - ThaisdEscufon

Celle qui a soutenu Éric Zemmour lors des dernières élections présidentielles développe ensuite un argumentaire autour des hormones féminines et de la capacité des femmes à sécréter de l’ocytocine (l’hormone dite de l’attachement) qui diminuerait à mesure qu’elles accumuleraient les partenaires sexuels.

Un discours qui s’appuie sur une note de blog publiée sur le site de l’Institute for Family Studies (IFS), un think tank conservateur américain qui se donne pour mission de « renforcer le mariage et la vie de famille », mais qui n’a absolument aucun fondement scientifique, comme l’a montré Franceinfo.

Une chose est sûre, le contrôle du corps des femmes et son instrumentalisation politique et idéologique restent aussi vivaces que la tendance à faire le décompte de ses anciens partenaires.

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