Qu’est-ce que "Coco", le site de rencontres français dans le viseur de la justice ?

Accessible gratuitement et sans inscription, le site de chat en ligne "Coco" est déjà incriminé dans plusieurs enquêtes judiciaires, dont la mort de Philippe à Grande-Synthe.

Prostitution, extorsion d'argent, pédocriminalité... le site Coco.gg est au coeur des enquêtes policières depuis plusieurs années (Capture d'écran du site : Coco.gg)
Prostitution, extorsion d'argent, pédocriminalité... le site Coco.gg est au coeur des enquêtes policières depuis plusieurs années (Capture d'écran du site : Coco.gg)

C’est un site de rencontres particulièrement cité sur les bancs des tribunaux français ces dernières semaines. Lancé en 2003, "Coco.gg" - anciennement Coco.fr – est un forum de discussion en ligne bien connu des avocats et des services de police qui remontent le fil d’affaires pédo-criminelles, de prostitution ou d’extorsion, entre autres, qui se sont multipliées en 2023.

C’est le cas du procès qui s’ouvre ce jeudi 25 avril à Valenciennes (Nord). Onze hommes âgés de 25 à 60 ans y seront jugés pour avoir eu des relations sexuelles, parfois tarifées, avec une collègienne de 14 ans. C’est via le site controversé Coco.gg qu'ils l’avaient rencontrée, l’un d’entre eux estimant qu’il n’y avait pourtant aucun moyen de savoir qu’elle était mineure.

Quelques jours auparavant, ce sont les enquêteurs de l’affaire de Grande-Synthe (Nord) qui voyaient resurgir le nom de la plateforme de rencontre. En étudiant les pistes qui ont mené à la mort de Philippe, 22 ans, lors d’un guet-apens ce 16 avril, ils ont constaté que le jeune homme allait à un rendez-vous avec "une jeune fille mineure" rencontrée sur Coco.gg.

Il s’agissait en réalité d'un piège tendu par deux mineurs de 14 et 15 ans. Après l’agression mortelle, tous deux ont été mis en examen pour "assassinat".

Mais d’autres agressions violentes, parfois à caractère homophobe, avaient déjà été recensées depuis plus d’une décennie. En 2018, dans une agression considérée "à caractère homophobe" par la justice, Michel Sollossi, un comptable de 55 ans, était tué à coups de couteau par un homme qu’il avait invité chez lui après l’avoir rencontré sur coco.gg.

Le 2 septembre prochain s’ouvrira également le procès de la dense affaire des viols de Mazan (Vaucluse). Une cinquantaine d’hommes y seront jugés pour avoir violé pendant dix ans une femme droguée et mise à disposition par son époux via le site Coco.gg.

Depuis sa création en 2003, le site Coco.gg a fait de sa gratuité et de sa simplicité de connexion les garants de son succès. Pour y entrer, il suffit d’un clic et d'écrire un pseudo, un code postal, son âge et son sexe - n'importe lesquels.

Aucune inscription, aucun mail et surtout aucune vérification de l’âge ne sont nécessaires pour se connecter sur le site de rencontres, dont la facilité d’accès n’a d’égal que la sobriété de la présentation (une page d'accueil marron peu invitante).

La page de présentation de Coco.gg, sobre et simple
La page de présentation de Coco.gg, sobre et simple

En quelques secondes, on accède au forum de discussion pour y être assailli de dizaines de "salut" - pour les plus polis d’entre eux. L’anonymat étant garanti, la fantaisie des pseudos s’exprime : "uniformesympa", "faire connaissance", "esclavediscussion" et "MecCelibcooletsympa" se côtoient. Il n’existe aucun modérateur et les messages ne sont sauvegardés dans l’historique que quelques heures. En 2023, le site comptabilisait 500 000 visites par mois.

Mais qui est derrière Coco.gg ? Après avoir appartenu à plusieurs sociétés domiciliées en France, Hong Kong ou actuellement en Bulgarie via le nom "Vinci SA", mais appartenant toutes à une même personne française, il est désormais hébergé à Guernesey, connu pour être un paradis fiscal. En avril 2024, à l’heure où les procès battent leur plein, l'adresse historique (coco.fr) a changé pour devenir coco.gg, l’extension de l’île anglo-normande de Guernesey.

Les critiques et les pétitions réclamant sa fermeture pleuvent. L’association ACPE (Agir contre la prostitution des enfants) dénonce un "terrain de chasse pour les prédateurs". En octobre 2023, l'association SOS Homophobie a demandé en vain la fermeture du site. De nombreux utilisateurs font aussi remonter des expériences alarmantes depuis plusieurs années.

Dans une interview sur RMC, l'avocate Caty Richard, dénonçait ce 25 avril "un repaire de prédateurs".

"Coco, c'est du dark net dans le white net. Du dark net mais facile d'accès (…) Le problème, c’est que 1) il n’y a pas de filtre, 2) il n’y a pas de modérateur donc on y trouve tout. Des gens de bonne foi et des gens qui piègent ces gens de bonne foi".

Le site, quant à lui, précise dans son règlement qu’il "décline toute responsabilité concernant les rencontres réelles entre les utilisateurs du chat qui sont des initiatives privées".