Subventions coupées, manque d'enseignants... La difficile rentrée scolaire des élèves sourds

Une enseignante LSF à Ramonville, près de Toulouse (photo d'illustration Fred SCHEIBER / AFP)
Une enseignante LSF à Ramonville, près de Toulouse (photo d'illustration Fred SCHEIBER / AFP)

Entre la fin de certaines subventions et manque d'enseignants LSF, les parents d'élèves sourds se sentent abandonnés.

IIs sont dans un "angle mort" de l'enseignement en France, selon plusieurs spécialistes du secteur. Alors que l'attention était focalisée sur les risques de pénurie d'enseignants, comblés à la hâte par des jobs datings, plusieurs élèves atteints de surdité se retrouvent, en cette rentrée scolaire, dans des conditions plus que difficiles pour suivre un enseignement normal. Et la situation ne semble pas partie pour s'améliorer.

En Normandie, l'Apedac, une association qui permet à des enfants atteints de surdité d'avoir un accompagnant scolaire qui lui traduit ce qui est dit en classe, a vu ses subventions de la région et du département du Calvados s'arrêter au 31 décembre prochain.

Des subventions coupées au 1er janvier

"Les familles reçoivent une aide, qu'elles reversent à 100% à l'association, mais cela ne couvre qu'un tiers du budget. Le reste venait du département (75 000 euros en 2022, variable selon le nombre de collégiens, ndlr) et de la région (40 000 euros), mais qui arrêtent leurs subventions au 31 décembre. C'est une dépense qui doit être à la charge de l'État et pas des collectivités locales", nous explique la présidente de l'association Agnes Valette, qui a écrit une lettre à Brigitte Macron ainsi qu'aux ministères de l'Éducation et des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées pour les interpeller sur le sujet.

Conséquence de la fin des subventions en raison de la baisse des budgets, au 1er janvier, l'association ne pourra pas continuer. "Ça veut dire qu'on va laisser de côté 18 élèves, sans codeur, et sans possibilité de suivre leur scolarité le plus normalement possible", déplore la présidente de l'association.

Des élèves sans accompagnement en cours

Des élèves qui bénéficiaient de 6h pour les élémentaires à 15 heures pour les lycéens d'accompagnement par des codeurs LPC (langue française parlée complétée), ce qui permet de leur transmettre au mieux un message oral en optimisant la lecture labiale.

"Même appareillés, les élèves ne peuvent pas suivre parfaitement un cours, car l'appareil capte tous les bruits, y compris parasites. Le rôle du codeur LPC est de lui traduire tous les sons de la salle de classe : ce que dit l'enseignant, mais aussi la question qu'un élève peut poser, ou même une blague ou réflexion qu'il peut faire, afin de garantir pleinement son intégration", nous explique Fanny Costaramoune, responsable pédagogique de la licence codeurs LPC à l'INSHEA.

Une pétition lancée, une lettre écrite à Brigitte Macron

"Cela veut dire qu'on va mettre des élèves, sourds, appareillés en classe mais qu'ils ne saisirons pas la totalité du cours. C'est comme mettre un élève anglais en cours en France et lui dire débrouille toi. Pour moi ce n'est pas ça l'école inclusive," déplore Fanny Costaramoune.

Une pétition a été lancée pour alerter sur l'avenir de l'association, qui, en plus de permettre à 18 élèves d'être accompagnés de codeurs LPC en cours, emploie 9 salariés. Un problème de moyens pour les élèves atteints de surdité qui ne concerne pas uniquement Caen.

À Lyon et Massy, pas d'enseignant LSF pour les élèves sourds

À Lyon, l'école Condorcet est une des trois en France à être bilingue de la maternelle à la Terminale, c'est-à-dire qu'elle permet un apprentissage de la LSF en parallèle. Sauf qu'à la rentée, il manquait deux professeurs dans cette filière bilingue LSF de l'école, concernant 33 élèves de CE1 et CE2.

Pour pallier au manque, c'est la débrouille. Une mère d'enfant sourd et professeure des écoles fait la classe à 15 d'entre eux, sans toutefois être diplômée LSF. Pour les 18 élèves restants, ils sont répartis dans des classes entendantes, et peinent donc à suivre les cours.

Face à ce problème, les parents d'élèves sont mobilisés depuis plusieurs jours devant l'école, puis l'inspection académique et le rectorat, pour alerter sur la situation. Le rectorat affirme de son côté rechercher activement un enseignant pouvant signer, une denrée très rare.

Des parents mobilisés

À Massy (Essonne), en région parisienne, la mobilisation de parents d'élèves a payé, rapporte Le Parisien. La ville possède une école bilingue jusqu'au CM2, qui a pour but d’inclure les enfants sourds dans un milieu scolaire ordinaire propose des enseignements dans toutes les matières en LSF (Langue des Signes Française).

Sauf que mi-septembre, l'enseignante "signante" est en arrêt maladie et n'est pas remplacée. Conséquence : les élèves sont répartis dans des classes ordinaires, sans pédagogie spécifique, durant une dizaine de jours.

Sept enfants dont Giovanni, qui "s’ennuie et il n’apprend rien", raconte sa mère au quotidien local. Réunis devant l'école, les parents semblent avoir obtenu gain de cause avec l'arrivée d'une contractuelle bilingue LSF, annoncée par l'association de parents d'élèves. Un rapport de 2021 dénombre 7 700 élèves malentendants scolarisés en établissements ordinaires.

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