Les hommes n'apprennent pas grand-chose du porno, et ce n'est pas surprenant

man watching porn on tv
Regarder du porno ne rend pas les hommes plus performants, au contraire. © Getty Images

La consommation de pornographie peut-elle nuire à la vie sexuelle ? Oui, mais pas comme on pourrait le croire. Alors que certaines personnes pensent que le fait d'en regarder trop pourrait nuire au désir ou rendre l'orgasme plus difficile, il transformerait plutôt les hommes en mauvais coups. Mais pourquoi, au juste ?

La question de l'accès à la pornographie fait toujours débat en France. Certaines personnes sont totalement contre, d'autres dénoncent des dérives à surveiller. Certains sites ont déjà pris des mesures, notamment en organisant de grandes purges pour se débarrasser de tous les contenus qui auraient été uploadés de façon illégale. Mais au-delà de la question purement légale de la pornographie, se pose celle de son impact sur les spectateurs et leurs partenaires.

Les hommes sont moins performants quand ils regardent du porno

Une récente étude de grande envergure, publiée dans la revue Psychological Medicine décrypte le lien entre le visionnage de la pornographie et les pratiques sexuelles. Les résultats sont sans appel : plus les hommes regardent du porno, moins ils sont performants au lit. Concrètement, cela signifie que s'ils arrivent à atteindre l'orgasme, ils ont plus de difficultés à faire jouir leur partenaire, dans le cadre de couples et de relations hétérosexuelles.

Vidéo. Premier Acte - Carmina, camgirl : "La webcam tu es censée interagir tout le temps avec les gens, alors que moi j'ai besoin d'être au calme pour jouir"

Ce n'est pas surprenant : dans les relations sexuelles hétéro, les femmes ont toujours eu plus de mal à jouir que les hommes, à tel point qu'il existe un vaste fossé orgasmique entre les deux genres, ce qui donne lieu à bon nombre de frustrations. Et bien sûr, si l'orgasme n'est pas une finalité en soi, ni essentiel à un rapport sexuel plaisant, il représente tout de même un pilier de la sexualité épanouie pour une majorité de personnes sexuellement actives.

"Le porno n'est pas représentatif de la sexualité !"

Aurélia est travailleuse du sexe. Active sur PornHub et sur OnlyFans sous un pseudonyme qu'elle ne souhaite pas dévoiler, cette jeune française de 27 ans confirme que sa sexualité classique n'a rien à voir avec celle qu'elle présente dans les vidéos qu'elle tourne pour les différentes plateformes. "Vous voyez souvent des mecs s'occuper d'un clitoris avec délicatesse sur les sites porno, vous ? Pas moi. C'est pour ça qu'on essaye le plus souvent possible de rappeler que les films porno sont des mises en scène, ils ne sont absolument pas représentatifs de la réalité à ce niveau-là !"

La performeuse en a conscience : avec bon nombre de vidéos, elle renforce ce cliché. "C'est mal, mais c'est ça qui paye les factures. La plupart des gens qui achètent mon contenu, c'est-à-dire des hommes cis blancs hétérosexuels ne sont pas en quête de vidéos qui montrent comment un homme peut donner du plaisir à une femme, mais comment une femme peut donner du plaisir à un homme." Car c'est la base du porno mainstream : des pratiques hétéronormées, phallocentrées, où le sacro-saint pénis est mis en valeur et où le moindre coup de rein semble mettre en transe celle qui le reçoit.

Le porno est-il un vecteur de mauvais coups ?

D'accord, la notion de "mauvais coup" est très floue. On peut être le bon coup de quelqu'un, et le mauvais coup de quelqu'un d'autre. Mais ce qui est sûr, c'est que les films X ne donnent pas le bon exemple en matière de sexualité, et même les hommes en ont conscience. "Il n'y a pas d'éducation au plaisir en France", estime Baptiste, 41 ans. "Alors forcément, le porno est bien souvent une référence. Et quand on voit des mecs bourriner une nana en levrette et que cette dernière semble prendre un pied pas possible, on se dit forcément que c'est ça le secret de l'orgasme féminin, quand on ne va pas chercher plus loin."

Pourtant, pas besoin de chercher bien loin pour comprendre le mécanisme de l'orgasme chez la femme cis. Il suffit de taper "orgasme féminin" dans un moteur de recherche pour immédiatement tomber sur des ressources telles que la Revue Médicale Suisse, qui affirme au bout de quelques lignes : "Peu importe la source de stimulation et la façon dont sont perçues les sensations, l’orgasme féminin provient toujours du clitoris." Pas au fond de la gorge, de l'anus ou du vagin, donc. Et pourtant, rares sont encore les pratiques à mettre le divin clito.

"Vu que les hommes font leur éducation sexuelle sur les sites pour adultes, ils sont dans une sexualité performative, où il faut y aller toujours plus fort, faire toujours plus de positions, de changements, de nouvelles pratiques, alors que souvent, la clé de l'orgasme féminin se trouve dans la régularité d'un mouvement", regrette Aurélia, qui tient toutefois à préciser : "Attention, je ne dis pas que le problème vient du porno ! Il vient de la façon dont il est utilisé comme référence pour le sexe. Il y a plein d'associations et de militants anti-porno qui se servent de ça comme argument pour l'interdire, disant que ça donne une mauvaise image de la sexualité, mais ça serait dire qu'il faut regarder la Formule 1 pour apprendre à conduire, ça n'a pas de sens."

Les hommes et la sexualité performative

Biberonnés à une pornographie centrée autour du plaisir masculin, les hommes qui ne font pas l'effort de comprendre comment fonctionne celui de leurs partenaires ont donc plus de mal à les faire jouir. Ce n'est pas étonnant. Les auteurs et autrices de l'étude le précisent d'ailleurs : "L'utilisation du porno semble contribuer aux doutes des hommes sur leurs compétences sexuelles, à la détérioration de leur fonctionnement sexuel et - dans les couples hétérosexuels - à la satisfaction rapportée par leur partenaire." Pourquoi ? Parce qu'ils ne s'y prennent pas de la bonne façon pour leur faire du bien. Au contraire des femmes : plus ces dernières regardent du porno, plus elles sont en mesure de donner du plaisir à leur conjoint : "L'utilisation du porno semble contribuer au sentiment de compétence sexuelle des femmes, à l'amélioration de leur fonctionnement sexuel et, dans les couples hétérosexuels, à certains aspects de la satisfaction déclarée par leur partenaire."

Et si en apparence, le fait de ne pas faire jouir leur compagne ne semble pas déranger certains hommes, cela peut devenir un problème sur le long terme. En 2017, une étude publiée dans The Journal Of Sex Research affirmait que l'une des principales raisons qui poussait les hommes à faire jouir une femme était parce que leur orgasme flattait leur ego, et les rassurait sur leurs propres capacités et sur leur virilité. Sara B. Chadwick et Sari van Anders de l’Université du Michigan, autrices de l'étude, précisaient à ce sujet : "Malheureusement, bien que de manière spéculative, cela pourrait signifier que certains hommes ne seront pas réceptifs aux commentaires des femmes sur la façon d’améliorer leurs compétences sexuelles, car cela pourrait contribuer à des sentiments d’incompétence ou de manque de masculinité. La masculinité hétéro normative est donc un problème pour les hommes et pour les femmes, et doit être abordé de manière personnelle et culturelle." Comme quoi, il y a bien des choses à revoir pour atteindre l'égalité orgasmique.

À LIRE AUSSI

>> Romance et pornographie : "De plus en plus de clients me demandent des vidéos tendresse"

>> Hentai, romance, plan à trois... Quelles sont les tendances de 2021 en matière de porno ?

>> Pleasure : le cinéma se penche sur l'industrie pornographique avec un film choc

À voir également : Ovidie : "Ils ont été biberonnés au porno tourné sans capote, il ne faut pas l'oublier"